Les liens entre l’univers du skate, du surf et du rock indépendant ont depuis très longtemps alimenté les imaginaires de la pop culture : les pochettes de disques de Dick Dale, des Beach Boys… en passant par le roadtrip cinématique Endless Summer, par les aventures de la jeunesse insouciante et paumée de « Kids » de Larry Clark, et bien sûr par une multitude de clips parmi lesquels « 100% » de Sonic Youth ou encore « Animal » de Moon Duo. Du côté du label Flippin’ Freaks, et de l’un de ses petits protégés, Ever Surf, la tendance n’est pas vraiment du côté d’une esthétisation à outrance du réel par la mise en scène de tricks et figures de skate, et encore moins du côté d’une glorification de la performance. Ainsi dans son dernier clip tourné en Super 8 par le très inspiré vidéaste et photographe néerlandais Nahmlos, Viktor Pokorny alias Ever Surf invoque, avec tendresse et romantisme, l’état d’esprit « slowlife & slacker » qui colle aussi bien au mode de vie des skaters, des surfers que des musiciens de rock indé. À quelques jours de la sortie de l’album « Couch Surfing », Flippin’ Freaks offre la possibilité à indiemusic de diffuser en avant-première cette vidéo complice, où Ever Surf erre entre mer et bitume avec un autre figure du label, le talentueux Siz.
Sans faire de jeu de mots foireux, le grain du super 8, les partis-pris de cadrage, les attitudes de nos deux héros… donnent à ce clip un côté très nouvelle vague au sens 7e art du terme. Une tendre mélancolie émane de la tonalité pastelle générale de l’image, qui brouille également la dimension temporelle, puisque peu d’éléments permettent finalement de situer précisément l’action dans le temps. Ce clip se transforme ainsi en une sorte d’évocation nostalgique. Même si l’apparente vacuité de cette déambulation sans véritable but, quelque part entre Biarritz, Anglet et Guéthary, pourrait paraître assez vide de sens, elle symbolise ici par excellence cette insouciance perdue de l’été, surtout pour Ever Surf dont l’horizon de vie s’est tourné vers la capitale parisienne, après des années du côté du Pays basque. Musicalement, la bande-son de ce « trip glandeur » navigue dans un océan pop rêveur et compact, aux effluves lo-fi délicieusement bruitistes.
Selon les oreilles, cet élan héroïque pourrait évoquer aussi bien Garciaphone, Woods, Beach Fossils, Galaxie 500, Hoops, Dinosaur Jr… Lorsque le swell se fait attendre, il faut occuper le temps, il y a toujours la gratte qui traîne par-là, une mélodie, un riff est si vite arrivé. Un rien devient la source de l’inspiration : un plot qui traîne, un trottoir waxé, un bowl abandonné, un chariot déglingué… Derrière un côté faussement naïf et presque enfantin, cette pop song énergique et aérienne est un petit bijou de simplicité mélodique. Contre toute attente, à travers ce teaser sans prétention, l’effet de surprise aurait pu s’estomper sur la longueur du LP à venir, et pourtant, le talent de compositeur d’Ever Surf fait le reste, surtout secondé par la candeur rock décomplexée de Siz. L’album ouvre ainsi de généreux reliefs entre climax rythmiques et digressions oniriques, plaçant ainsi Ever Surf comme un outsider hexagonal la musique pop indé, face à la déferlante anglo-saxonne.
« Couch Surfing » d’Ever Surf, sortie le 17 juin 2022 chez Flippin’ Freaks.
