Après un premier album, « Farewell to Harmony », paru en 2007 sous son propre nom, Jonas Bonetta sort de son hibernation tous les trois ans avec sa formation Evening Hymns, plaque de glace mouvante et émouvante composée de musiciens provenant alternativement du groupe féminin Ohbijou, de Wooden Sky et autres Matters.
La montagne, le ciel, la brume, la nature sont son quotidien et, hormis les tournées régulières au Canada, comme celle entamée en ce mois de novembre, Bonetta n’est pas venu en France depuis avril 2013, alors qu’on l’y attend de pied ferme !
Même ses autres incursions restent très géolocalisées, telles la création et l’interprétation de la musique du documentaire « Strange & Familiar: Architecture on Fogo Island » sur l’île de Fogo, au nord de Terre Neuve, où vit une communauté de marins désœuvrés depuis que la pêche à la morue s’est effondrée, et où les habitants se sont retrouvés pour construire un hôtel contemporain et hors-norme, dans tous les sens du terme.
Pour cet endroit où, paraît-il, il y a sept saisons mais pas d’étrangers (quand vous en partez, c’est comme si vous quittiez votre maison), Jonas Bonetta a illustré, avec une créativité prolifique, l’univers d’une île qui s’est donnée des ailes. Un pont impromptu d’un ponte qui, aujourd’hui, nous tend ce huit titres, telle une offrande aux pouvoirs insoupçonnés.
« If I Were a Portal » est une ballade tonique et vivifiante, presque au pas de course, dans le grand air du Nord qui éructe dans les bronches de Jonas pour mieux souffler dans les branches des arbres aux feuilles vermillon qui jalonnent ce parcours santé.
On entame l’album de façon guillerette et incisive ; la bonne humeur communicative nous ouvrant encore plus l’appétit de découvrir et savourer « Quiet Energies ». Un album aux énergies diaboliques, emmenées dans un « Evil Forces » qui tourbillonne et fait virevolter ces feuilles automnales illuminant nos pas dans la forêt canadienne. Des fragments scintillants de rayons de soleil se projettent sur les mousses éparses habillant les troncs enchevêtrés, telle une boule à facettes qui tourbillonne sur « House of Mirrors », au rythme d’un tambourin qu’aurait pu tenir un Jackson Browne venu à la rescousse.
Après quatre premiers titres haletants, Jonas Bonetta prend le temps de nous conter une ballade cheesy telle que les Ricains savent le faire. « Rescue Teams » vient à notre rescousse le temps de nous aider à récupérer et reprendre nos esprits, au coin du feu, une brochette de marshmallows réconfortante à la main. C’est sans compter sur la vitalité du gaillard, qui reprend vite la piste de son album pour un « Walkin’ Again and Again » au faux calme et sur lequel on ne peut faire semblant de succomber, avec sa montée en puissance malicieuse qui nous transporte vers de nouveaux cieux. En connexion totale avec Bonetta et sa cohorte de troubadours, « Connect The Lines » dicte sa ligne d’éconduite, quelque part dans les plaines balayées par un vent glacial, emmitouflé dans ses notes qui nous feraient braver n’importe quelle intempérie. Une volonté, presque un sacerdoce, de nous transporter avec acharnement depuis quatre albums en terre presque inconnue. « All My Life I’ve Been Running », nous dit-il comme pour se justifier de ses frasques ; comme une excuse pour tout le bien qu’il nous procure.
Certainement comblé et heureux de nous avoir fait décoller de la sorte, Jonas Bonetta nous laisse tranquillement revenir à nous avec « Light as a Feather », balancé délicatement dans nos pensées, telles des plumes au vent qui, légères comme la vie, dansent autour de nous dans un ballet symphonique.
Avec « Quiet Energies », Evening Hymns signe un opus déterminant et incarné, sur une route sinueuse devant laquelle il se signe pour mieux nous indiquer son chemin de croix.
« Quiet Energies » d’Evening Hymns est disponible depuis le 18 septembre 2015 chez Kütu Folk Records.
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