[LP] Erasure – World Be Gone

Il demeure encore aujourd’hui des groupes et projets sur lesquels les années n’ont aucune emprise, car sachant conserver un style qui leur est propre tout en l’adaptant aux courants actuels. C’est bel et bien le cas de Erasure qui, avec « World Be Gone », signe un disque plus mélancolique que ses prédécesseurs mais toujours parfaitement composé et interprété, tout en laissant libre cours à l’imagination de l’auditeur au fil d’élans synthpop sensibles et aimants.

32 ans de carrière au compteur. Non, vous ne rêvez pas. Depuis 1985, le duo britannique Erasure continue de tracer son chemin sans jamais se lasser une seule seconde, et pour cause : Vince Clarke et Andy Bell créent une musique intemporelle, empreinte des qualités intrinsèques qui permettent de l’identifier dès les premières secondes autant que d’un modernisme indémodable. Pourtant, au fil des décennies, la folie des premiers disques a laissé place à des pistes plus contemplatives (l’auteur de ces lignes reste, encore aujourd’hui, un fervent admirateur de « Wild! », sorti en 1989 et porté par le frénétique single « Star »). Aujourd’hui, « World Be Gone » se fait sensuel et chargé d’un poids sur le cœur que seule la musique semble à même de soulager. Dix chansons d’amours meurtries, de repli sur soi et d’observation d’un monde en mouvement constant mais sur lequel il fait bon, parfois, s’arrêter pour voir, à travers un regard artistique inépuisable, l’humanité qui demeure constamment en chacun de nous, même s’il faut passer par des instruments artificiels et synthétiques pour y parvenir. Le virtuel au service de l’individu : une habitude chez Erasure, mais avec une franchise et une dévotion totales envers leurs créations.

La légèreté de « Love You To The Sky » fait ainsi figure de faux-semblant, même si la chanson demeure une entrée en matière imparable et immédiatement addictive. Pourtant, dès « Be Careful What You Wish For! », avertissement autant que besoin de survivre dans la douleur et les peines quotidiennes, le ton change, plus confident, plus intime. Le duo paraît avoir choisi de laisser ses sentiments les plus profonds trôner sur le monde lumineux et vaporeux de « World Be Gone », certainement l’un des plus beaux titres que Erasure nous ait offerts depuis longtemps, même si sa pureté trouve en « Take Me Out Of Myself » un rival qui s’avèrera finalement complémentaire. Il y a de la nostalgie, de la souffrance dans cet opus ; les machines murmurent, discrètes et enveloppant le chant d’une caresse rassurante (« Sweet Summer Loving »). La douceur des émotions fond devant nos yeux, plaine immaculée se détachant de continents perdus pour mieux s’étendre sur nos esprits désolés et y apposer, autant que possible, un baume réparateur et cicatriciel ; dans cette démarche, la mécanique imparable de « Oh What A World » cède sa place aux chœurs puissants de « Lousy Sum Of Nothing » avant de clore ce phénomène exceptionnel dans l’espoir chorégraphié et éclatant de « Just A Little Love ».

Certains parleront, en ces temps de bouleversements musicaux, de revival 80’s ou autres expressions plus restrictives les unes que les autres. Ce serait sans compter sur la capacité inébranlable de compositeurs au talent et à l’inspiration insatiables à nous donner, année après année, des sources vibrantes et délicieuses qui nous émeuvent autant qu’elles nous chuchotent leurs secrets à l’oreille. À ce titre, Erasure parvient, avec « World Be Gone », à réunifier un monde pourtant destiné à la division, comme on le constate trop souvent. Un message aussi réaliste qu’utopique, mais auquel on ne peut pas résister.

« World Be Gone » de Erasure est disponible depuis le 19 mai 2017 chez Mute Artists Ltd. / [PIAS].


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Raphaël Duprez

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