[LP] Douglas Dare – Whelm

Le génie de « Whelm » provient de la richesse de sa prose et de sa finesse instrumentale. Douglas Dare est un poète des temps modernes.

Douglas Dare - Whelm

« Je voulais faire un disque qui permette à l’auditeur de s’échapper, quelque chose de riche et d’immersif. » Chose promise, chose due. Avec son tout premier bébé, Douglas Dare s’anime dans le romantisme le plus absolu. Juste à voir la pochette de « Whelm », on imagine les tableaux de Caspar Friedrich, ses êtres de dos qui cherchent le ravissement dans le rêve, le sublime dans le morbide. Face à l’immensité salée de la Dorset Coast où il a grandi, Douglas y traduit la tension que ses dix perles noires nous infligent. La submersion est radicale.

Comme dans « Seven Hours », Douglas fait valser ses mots dans les carcans sonores de son piano suivi de son électro coagulante, qui invite sa musique à partager les mœurs expérimentales du label Erased Tapes Records. De base classique, « Whelm » n’est pas instrumentalement varié. Sa richesse provient de son minimalisme épuré, rehaussé par la forte présence du piano et des voiles analogiques de son Minimoog favori. L’ampleur est suffisante, l’exotisme s’exalte, la forme épouse le fond avec des apparats simples et travaillés : la capsule résonnante de « Clockwork » où quelques éclats de sirènes s’animent, les sublimes piano-voix de « Caroline » et de « London’s Rose » qui rendent aux larmes leur véritable fonction, ou encore l’électro grinçant de « Unrest » et de « Swim ».

Le fond, pour le moins très profond, des paroles sont en fait de véritables poèmes écrits en prose. Douglas fut inspiré par des faits personnels, mais aussi plus historiques et universels. Par exemple sur « London’s Rose », il écrit sur l’utilisation des stations souterraines comme abri contre les bombes de la Seconde Guerre mondiale, ou encore sur la machine d’Anticythère sur « Clockwork », calculateur analogique antique dont les fragments ont été retrouvés au fond de l’océan. Et plus intimement, il s’élance dans une relation épistolaire avec une prénommée « Caroline » qui subjugue autant qu’elle émeut. Les sujets sont larges et pleins. La prose est son langage, ses histoires sont humaines et sévères. Elles sont des genres de fresques, des frises mélancoliques qu’on longerait longtemps au bord du précipice.

crédit : Dusan Kacan
crédit : Dusan Kacan

« Pour être englouti. Pour être enterré. Pour être submergé. » Quand Douglas résume la finalité de « Whelm », on ne peut que partager son immense désir de dévotion, aussi noir et viscéral qu’il soit. Tant pis pour les dégâts, il nous aura prévenus.

« Whelm » de Douglas Dare disponible le 12 mai 2014 chez Erased Tapes Records.

Douglas Dare se produira le 29 mai prochain à l’Espace B. Plus d’infos sur le site de la salle parisienne.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante