Tous les styles de musique ne se valent pas quand il est question de session musicale. Mais forcément, quand un groupe comme Djiin se présente pour l’exercice, la curiosité est fortement activée. En effet, le quatuor désormais basé à Nantes s’est forgé depuis presque 8 ans maintenant une solide réputation dans les milieux du metal et du rock psychédélique, en raison de sa grande aisance instrumentale collective et de sa capacité à prendre à son compte le live et la scène. Vérification on ne peut plus parlante, à travers la session tonique enregistrée dans les studios Éclosion, à Plessé en Loire-Atlantique, lieu pensé et créé en ce début d’année, par la chanteuse et harpiste du groupe, Chloé Panhaleux et, par ailleurs, figure très reconnue du milieu musical nantais.
Djiin est ainsi un peu comme à la maison, dans ces studios qui sentent bon l’esprit indé et le DIY. Le quatuor s’illustre dans une performance d’une intensité assez bluffante, où chacun s’implique corporellement dans le son, dans le geste, dans l’écoute, dans la musicalité. Devant une musique aussi abrasive et électrique que celle de Djiin, la tentation est toujours grande, d’évoquer la puissance avant toute chose et, si possible, avec des superlatifs un tantinet excessifs. Pourtant, le heavy stoner psychédélique des Nantais n’est absolument pas qu’une machine à bastonner (même si, pas de doute, il est sacrément armé pour), mais avant tout un puissant activateur d’imaginaire, où l’électricité se positionne comme un formidable catalyseur d’évasion.
Tout simplement, au jeu des évocations nous pourrions citer Slift, pour ce souffle instinctif et brut de la musique, mais aussi les Américains de Torche (sans la sophistication) pour la science du placement de chaque instrument, ainsi que les Suédois de Lowrider pour la capacité de digresser, la propension à sortir du chemin, et même par moments, Battles pour la fulgurante mécanique d’abstraction rythmique, propice à la danse, à la transe et à l’abandon. À l’évidence, et notamment dans cette session, Djiin maîtrise aussi parfaitement les fondamentaux : Can, Led Zeppelin, Black Sabbath… Mais la signature du groupe passe indéniablement par le chant envoûtant, vibrant et habité de sa chanteuse qui impose par là même un climat chamanique, suggérant apparitions et rituels étranges, que pourrait déclencher un morceau comme « Mirrors », subtilement renforcé par le son cristallin et aérien de sa harpe. Ainsi Tom à la guitare, Charlélie à la basse et Allan à la batterie s’en donnent à cœur joie et ne ménagent pas leurs efforts. Il y a d’ailleurs toujours moyen avec eux de décélérer, pour mieux repartir (de plus belle). Et alors que cette session nous avait déjà amenés très haut dans la stratosphère, le groupe trouve encore les ressources pour pousser le curseur encore un peu plus loin, dans un final en apothéose dans lequel chacun s’abandonne totalement. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, cette session est un prélude au prochain album de Djiin, prévu pour mai prochain.
« Mirrors » de Djiin sortira le 3 mai 2024 en partenariat avec Klonosphère, Season of Mist et Vlad Productions, avec une release party annoncée le 5 mai au Ferrailleur à Nantes, en compagnie des frangins hard prog de Moundrag.