[Live] Demi Mondaine @ Canal 93

Bobigny a la gueule de bois. Une sale gueule de bois qui pue le mauvais alcool. Celle des soirs où tout bascule. Des soirs où on aimerait relancer les dés. Reprendre l’histoire à l’envers et défaire les nœuds. Mais, on a beau refaire les comptes – emballé, c’est pesé -, les maux de tête raisonnent dans les crânes. Bobigny n’est plus rouge. Bobigny vire au bleu. Mais Bobigny peut compter sur sa musique pour faire encore trembler les murs et l’histoire.

Demi Mondaine © Solène Patron

Il suffira d’une verve incisive. D’une mélodie révoltée. Et d’une âme écorchée pour faire régner le rock dans cette banlieue nord. À la manœuvre, Demi Mondaine tient le cap. Tient avec minutie la soirée de sortie de son album, « Aether ».

Tout a, semble-t-il, été fait pour tenir tête au génie de cet album. Tout pour souligner la grâce d’un enregistrement digital. Pour la prolonger sur scène. Tout, jusqu’à ce que l’émotion balaye beaucoup de certitudes. Jusqu’à ce que la puissance se perde dans le fragile. C’est alors que le concert devient sublime. C’est dans son fief. C’est à la maison-mère que Demi Mondaine perd pied. Mais d’une façon si belle. Si forte. Si intime. Il y a sûrement eu les tremblements. Il y a certainement eu les larmes. Et puis on a entendu une voix tremblante qui s’offrait dans la puissance poétique.

Un concert fracassant qui s’ouvre sur le somptueux « Garde Fou ». Magnétique, alors que le regard se cache derrière un voile hypnotique. Quand le rideau tombe, l’émotion n’est que plus intense. Une Demi Mondaine à nue qui se donne à un public. À son putain de public. Celui qui n’a pas lâché et qui l’a amenée un peu plus haut. La rencontre, ou bien serait l’aboutissement d’un projet, d’un album qui a pris au corps, et prend la forme d’une transe. Celle où chaque morceau amène au somptueux. Où chaque mot amène à la poésie. Où chaque vertige amène à la chute. C’est alors que de « Paris sous la neige » à « Jour blanc ». De « Korea » à « l’Hymne à l’amour », Demi Mondaine enveloppe la salle du frisson des grands soirs. Elle plane et elle danse, et derrière s’agite une musique pétrifiante. C’est une guitare aguicheuse. C’est une basse minimaliste et précieuse. C’est une batterie féroce et conquérante. Pourtant rien n’oppresse. Rien ne tue. Tout sublime. Un concert des haut-le-cœur. Des frissons et des poètes.

Alors même si ce soir, Bobigny est bleu, la nuit est rouge. De la couleur du sang. De la passion. Du poison. Demi Mondaine écorche le rock de toute sa grandeur, de toute sa fragilité. Une dentelle imbibée d’absinthe recouvre la banlieue.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes