[LP] Dasher – Sodium

D’une urgence folle mais pourtant totalement maîtrisée et scrupuleuse, « Sodium » de Dasher souffle un vent chaud et tempétueux dans le monde hermétique du post punk. Une révélation aussi précise et tranchante qu’une tronçonneuse devenue hors de contrôle et rasant tout sur son passage ; mais bon sang, que le spectacle est beau à voir !

Chose amusante lorsque l’on lit les commentaires relatifs aux titres des Américains de Dasher postés sur Youtube : « La musique, oui ; la voix, non. » Après tout, tous les goûts sont dans la nature, c’est certain ; mais peut-être faudrait-il se poser la question différemment. Par exemple : que serait « Sodium » sans ses décharges vocales, mêlées à des instruments flirtant autant avec le rock que le punk ou le shoegaze ? Cela reviendrait à totalement laisser de côté l’originalité, la marque de fabrique indispensable d’un trio prêt à tout ravager, sans pour autant sombrer dans le bruit le plus épuisant. Au final, l’album est violent et puissant, certes ; mais ses mélodies et riffs sont d’un attrait infaillible, donnant à l’ensemble une cohérence harmonique de tous les instants, sans temps mort et offrant de purs moments de réjouissance et d’extase. Ceux-là mêmes que l’on demande à un disque sortant de l’ordinaire ; et il est indéniable que « Sodium » en est un, sans aucun doute possible.

Signe annonciateur du cataclysme, le titre éponyme introduit à la perfection le discours artistique du projet : ces onze chansons seront variées et imprévisibles ou ne seront pas. Lâchant la bride au moment opportun (« Soviet », « Slugg ») en évitant d’insister lourdement sur l’accélération des cadences à un instant qui ne ferait que devenir un brouhaha sans aucun sens et totalement démesuré, Dasher dose avec précision et intelligence ses explosions de lave et ses relâchements, ne lassant alors jamais l’auditeur. On passe ainsi d’un hymne pesant et heavy possédant nos esprits et nos membres sans que l’on puisse résister (imparable « Teeth ») à des vagues saturées destinées à devenir de futurs coups de semonce auprès des pogoteurs et autres headbangers (« Resume », « Go Rambo »). Luttant de toutes leurs forces pour ne jamais s’enfoncer dans un bourbier sonore qui ne pourrait que réduire leur potentiel, nos musiciens laissent leur colère s’exprimer au fil de chaque accord, de chaque blast, tout en s’octroyant des pauses bien méritées avant de lâcher les chiens affamés pour une nouvelle cavalcade. À ce titre, les deux pistes finales, le noise et tourmenté « No Guilt » d’abord, puis le redoutable et magnifique « Get So Low », résument et concluent de manière idéale notre descente aux Enfers, là où tout brûle et s’enflamme devant nos yeux à la fois effrayés et ébahis. Du grand art.

Alors, qu’en est-il, finalement, du chant ? Modulé selon les passages instrumentaux, c’est un cri, certes continu, mais absolument indispensable à l’intégrité des délires fusionnels de nos trois excités. Ne tombant jamais dans le piège du bordélique ou du « too much », la dynamique et extatique Kylee Kimbrough déroule sans faille, laisse ses cordes vocales s’enflammer au moment opportun ou, à l’inverse, modère ses ardeurs pour permettre à l’inspiration sonore de prendre le dessus. Tous ces éléments font de « Sodium » un opus entre orage, désespoir et hallucinations ; acéré et aiguisé, il se plante dans nos chairs comme la morsure d’une bête sauvage, nous malmène, nous arrache quelques lambeaux de muscle au passage et, dans son antre, se délecte de nos peurs et de notre survie en appliquant du sel sur nos plaies ouvertes, tout en nous encourageant à résister et à nous battre à ses côtés. On ne sait pas pour vous, mais ici, le choix est vite fait !

« Sodium » de Dasher est disponible depuis le 14 juillet 2017 chez Jagjaguwar.


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Raphaël Duprez

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