[Platine #13] Daniel Jea

Dernier acte d’un triptyque musical déroulé sur trois ans de 2020 à 2022, avec « À l’instinct à l’instant » et « En suspens », « Se taire et écouter » de Daniel Jea s’est également joué en trio côté composition avec deux rockeuses remarquables ; France Cartigny (claviers et guitare) et Émilie Rambaud (batterie). De ce 5e album studio aussi rageur qu’urgent dans l’approche, la chanson française se fait toujours politique, en contestation avec ce qui cloche dans notre société. Au plus près du réel, au plus proche de la lutte, notre observateur de terrain brûlait le « Bitume » tel un pavé jeté en manif, avant de repasser par la case tendresse sur le délicat « La rengaine ». Comme toute bonne règle de trois maintes fois opérée, le Parisien nous dévoile ce mercredi « À deux doigts », ultime essai de « Se taire et écouter », course poursuite rock au cardio intense et au regard toujours brûlant. À cette occasion, Daniel Jea a choisi de nous parler de ses disques de chevet, ces albums piliers qui l’ont retourné dès la première écoute et comptent parmi ses plus vives influences.

crédit : Grégory Marza

The Beatles – L’album blanc (White album)

Pour la petite histoire, c’est à l’adolescence que je me suis construit le socle de mes disques de chevet, grâce au grand frère d’un pote qui, à l’arrivée des CDs sur le marché, a remplacé toute sa discographie de vinyles par des CDs et me les a tous donné. Je me suis retrouvé avec tout un tas de disques rock des années 70 et 80. C’est comme ça que j’ai pu vraiment approfondir et parfaire mon éducation et ma culture musicale rock, avec l’heure d’internet !

Et les Beatles ont été mon coup de cœur absolu, je suis tombé amoureux de ce groupe et de leurs albums. Ce n’est pas facile d’en choisir un dans leur discographie, mais j’ai vraiment particulièrement écouté le double album blanc, car il est d’une telle diversité de styles, avec une telle variété de chansons, je trouvais ça dingue. Là je choisis au hasard le titre « Helter Skelter », que j’adorais !

Mais parmi mes albums de chevet de cette période, je ne peux pas ne pas citer aussi le premier album de Led Zeppelin, « Back in Black » d’AC/DC ou encore The Jimi Hendrix Experience avec « Are You Experienced » et « Axis: Bold as Love », que j’ai tous écouté en boucle.


The Clash – London Calling

Pour continuer sur cette première base de mon apprentissage et découverte du rock, j’ai adoré aussi ce double album des Clash. Le son, l’énergie, les titres, la diversité aussi, il est magnifique !

Mais comme c’est trop difficile de me limiter et que j’ai beaucoup de disques qui ont été importants pour moi, de cette période je rajouterai, dans d’autres registres, « Sign o’ the Times » de Prince et « Disintegration » de The Cure.


Jeff Buckley – Grace

Là je fais un saut dans les années 90. J’ai découvert Jeff Buckley sur scène, lors de son tout premier concert à Paris dans une petite salle qui s’appelait le Passage du Nord-Ouest. J’avais juste lu un article dithyrambique sur lui et le parallèle fait avec la voix de Robert Plant. J’y suis allé, curieux, sans rien connaître de lui ni de sa musique. Et je suis resté totalement scotché par ce live. J’ai ensuite couru acheter l’album « Grace », que j’ai écouté un nombre incalculable de fois.

À nouveau, je ne peux pas ne pas en citer d’autres, que j’ai aussi épuisés : « To Bring You My Love » de PJ Harvey ou encore des Beastie Boys, « Paul’s Boutique » et « Check Your Head ».


Rage Against The Machine – Rage Against The Machine

À cette même période, un pote qui bossait chez la major Sony Music m’invite au concert des Suicidal Tendencies à Paris à l’Elysée Montmartre, me disant que le groupe de première partie, dont c‘était le premier concert en France avant même d’avoir sorti leur premier album, allait bientôt faire sensation. Et ce groupe était Rage Against the Machine. J’ai pris une immense énormissime claque ! Je n’ai rien compris, j’ai juste ressenti quelque chose physiquement incroyable, complètement fou. Leur premier album acheté dès sa sortie et écouté, mais tellement de fois… !

Encore et encore… Je ne peux pas ne pas citer ces autres albums qui m’ont bouleversé et construits, et que j’ai tant écouté aussi ces années-là : « Nevermind » de Nirvana et « Blood Sugar Sex Magik » des Red Hot Chili Peppers.


Radiohead – The Bends

Pour terminer sur la riche période rock des années 90, évidemment pour moi Radiohead a été incontournable. J’ai découvert le groupe avec l’album « The Bends », mais j’ai vraiment adoré les suivants et aussi terriblement leur virage à partir de l’album « Kid A ». J’ai d’ailleurs tellement écouté principalement ce groupe et toute leur discographie pendant un moment, que j’en ai été presque dégouté ensuite ! J’ai même fait une période d’abstinence pendant plusieurs années pour éviter l’overdose ! (Mais j’y suis revenu depuis).

Et toujours, sans oublier les autres : Placebo avec son premier album éponyme puis le second « Without You I’m Nothing » et Supergrass avec ses deux premiers ; « I Should Coco » et « In It for the Money ».


Portishead – Dummy

J’ai aussi vraiment été saisi par le trip-hop de la fin de cette décennie, avec Massive Attack, Tricky ou encore Portishead. L’album « Dummy » de Portishead est absolument magnifique et bouleversant. Je les ai vus ensuite en concert, lors de la tournée dont ils ont tiré un album « Roseland NYC Live », c’était grandiose, magistral !


Fontaines D.C. – A Hero’s Death

Pour terminer sur une touche un peu plus récente quand même, parmi tous les groupes ou albums qui m’ont marqué ces dernières années, et ce n’est pas facile de faire un choix, je citerais Fontaines D.C.
J’ai vraiment beaucoup écouté leur second album absolument génial « A Hero’s Death » et leurs concerts sont fantastiques. Depuis plusieurs années maintenant, avec le stream, j’écoute beaucoup plus de choses différentes, de styles différents, je fais parfois le grand écart dans les genres, mais ça ne m’empêche pas de retourner parfois à ces albums piliers qui ont été mon socle, mon point de départ !


Sur son nouvel album « Se taire et écouter », Daniel Jea continue d’assouvir ses pulsions d’un rock vrai, au franc parler francophone, pourtant jamais loin des engagements rock de ses inspirations britanniques et américaines qu’il a justement pris le temps de rassembler chronologiquement pour nous. Ces monstres sacrés, vivants ou survivants, qui insufflent chez lui cette quête d’authenticité et de libération de la parole. Son nouveau single, « À deux doigts », poursuit quelque part ce combat verbal et physique, déchargé par la six cordes hurlante et une batterie accrocheuse. Par ses mots ciselés et finement choisis, il nous fait vivre frénétiquement, intensément, jusqu’au point de rupture, l’attraction et la pulsion d’une relation à l’autre dans laquelle le désir survit face aux doutes. Plongée dans un dilemme infernal intérieur, la rengaine « S’embrasser, se toucher, s’enlacer et baiser » devient le terrain d’exploration de sensations à conquérir, à éprouver, à raviver. Le clip qui accompagne « À deux doigts », réalisé par Grégory Marza, traduit ce dialogue intérieur de Daniel Jea face à son double incarné par le très expressif Loïc Armel Colin. Prendre la fuite ou céder à la tentation de l’autre, quitte à se perdre… « À en perdre raison ».

« Se taire et écouter » de Daniel Jea est disponible depuis le 25 novembre 2022 chez Siparka.


Retrouvez Daniel Jea sur :
Site officielFacebookXInstagramBandcamp

Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques