[Focus] 5 coups de cœur de janvier 2024

Qui a dit que janvier était un « petit » mois pour les sorties d’album ? Cette idée reçue et tenace qui s’applique aussi bien à la musique qu’au cinéma ne résiste pourtant pas à l’examen et à l’écoute d’un grand nombre de sorties indépendantes qui, certes, ne bénéficient pas toujours d’un bon coup de projecteur dans la presse spécialisée. Pour contrer cette notion, voici notre sélection de cinq disques, parus en janvier, qui méritent plus qu’une écoute distraite.

[LP] Irène Drésel – Rose Fluo

26 janvier 2024 (ROOM Records / ONZE)

Lauréate l’an dernier du César de la meilleure musique originale pour le film À plein temps (Éric Gravel, 2021), la compositrice, DJ et interprète Irène Drésel revenait fin janvier avec son troisième album studio. Emmenée par une pochette illustrant de façon littérale et poétique son titre « Rose Fluo », cette pépite de techno, tantôt hypnotique, tantôt délicate, nous balade en 14 titres et un peu plus d’une heure dans un jardin musical absolument fascinant. Assurément un des grands disques de ce début d’année.


[LP] Surya Botofasina, Nate Mercereau & Carlos Niño – Subtle Movements

12 janvier 2024 (Leaving Records)

Vous ne connaissez peut-être pas (encore) Surya Botofasina, mais si je vous dis qu’il a été formé spirituellement et musicalement dans l’ashram de la grande harpiste hindoue Alice Coltrane, peut-être que ce majestueux album de jazz ambient s’éclaire sous un nouveau jour. Le pianiste et acteur (des séries Boardwalk Empire ou Vinyl) s’entoure de Nate Mercereau, multi-instrumentiste de jazz apparu l’an dernier sur le très planant disque de flûte d’André 3000 (« New Blue Sun »), et du percussionniste Carlos Niño, pour un trio placé sous le signe de la méditation et de la sérénité. Une pause musicale incroyablement belle et apaisante.


[LP] SLIFT – Ilion

19 janvier 2024 (Le Bosquet / Sub Pop Records)

Changement radical d’ambiance et de style avec le nouvel album de SLIFT, trio toulousain formé par les frères Jean et Rémi Fossat entourés de Canek Flores. Si « La Planète inexplorée » (2018) puis « Ummon » (2020) séduisaient déjà par leur mélange relativement innovant de stoner / space rock avec les sonorités plus brutes voire noisy d’un trio à l’esprit proto-punk (pensez Stooges ou MC5), cet « Ilion » enfonce le clou et affirme désormais le groupe comme un acteur majeur de la scène musicale psychédélique française. Si l’on retrouve le son très brut de décoffrage des premiers albums, les compositions gagnent peut-être en finesse et en complexité, avec une approche presque prog qui déjoue une fois de plus les clichés du genre.


[EP] Nits – Tree House Fire

19 janvier 2024 (Werf Records)

Parce que nos trois premières suggestions dépassent allègrement l’heure d’écoute et que tout le monde n’a peut-être pas le temps et l’énergie de se lancer dans de grandes explorations musicales chronophages et qui demandent beaucoup d’attention, voici un EP de 25 minutes, par un groupe batave plutôt culte, Nits. Fondé en 1974 et surnommé par la presse française « les Beatles néerlandais », le combo a connu beaucoup d’incarnations autour du binôme stable représenté par Henk Hofstede et Rob Kloet. Leur dernière offrande est donc cet EP conceptuel qui évoque la destruction par le feu de leur studio d’enregistrement. Drôle de façon de célébrer les 50 ans du groupe vous me direz, mais le résultat, en six titres mélancoliques et ramassés, est d’une stupéfiante beauté qui évoque ni plus ni moins que les grandes réussites de Talk Talk / Mark Hollis. Un jeu sur le silence et la retenue, entre pop minimaliste et post-jazz, superbement dominé par le titre « Big Brown Building Burning ».

 


[LP] Warm Exit – Ultra Violence

12 janvier 2024 (Warm Exit / EXAG’ Records)

Et parce que l’année ne saurait commencer sans un bon disque de post-punk énervé et diablement efficace, citons enfin « Ultra Violence », premier album des Bruxellois Warm Exit, sorte de réponse continentale à la vague féconde de groupes et de disques de crank wave (ce nouveau post-punk arty britannique) qui déferle sur l’Europe depuis maintenant une grosse dizaine d’années. En huit titres et une grosse demi-heure, le quatuor expédie une musique revendiquée comme métallique, violente voire même dangereuse. Il y a sans doute une part d’exagération dans tout cela, mais force est de constater à l’écoute que le résultat ne manque ni de panache ni de danger. Une petite bombe hargneuse et venimeuse à souhait.

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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique