[LP] Coffees & Cigarettes – Freak Show

« Freak Show » n’est pas un simple disque ; c’est un remerciement aux élans cinématographiques de Coffees & Cigarettes, de même qu’une réappropriation personnelle et puissante de ces influences malaxées, malmenées et plantées pour bâtir des cités perdues entre rock et flow acéré et fort. Une incroyable et inimitable exposition de fureur, de sexe, de fumée et de sang, galerie de créatures nocturnes toutes plus frappantes et bizarres les unes que les autres. En un mot : exemplaire.

Sur le papier, Coffees & Cigarettes peut en rebuter plus d’un. En effet, on entend d’ici les éternels insatisfaits regrettant un duo supplémentaire et craignant, par la même occasion, de ne rien avoir de nouveau à se mettre sous la dent. Ce qui tombe assez bien : car l’uppercut qu’est « Freak Show » va leur permettre d’aller ramasser les leurs à l’autre bout du bar, avant de quitter les lieux, la queue entre les jambes et couverts de goudron et de plumes. De ce fait, il en faudra davantage pour nous empêcher de vénérer l’univers aussi culturel que mélodique d’un projet hors-norme, totalement en accord avec ses envies et inspirations. Approchez, mesdames et messieurs : le spectacle va commencer. Âmes sensibles, s’abstenir…

Des incisions dans la peau avant d’y jeter du sel, pour la douleur et pour le plaisir. Des cicatrices que l’on gardera longtemps, mais dont on sera fier. Des tatouages imprimés dans la chair, mais que l’on arborera avec délectation. Chaque chanson de Coffees & Cigarettes est ainsi, entre le tranchant du timbre et des riffs (« Introduction », « Jack The Ripper ») et la séduction de sirène des cordes (« Steampunk Fantasy » ou le troublant et ample titre éponyme), même lorsque l’on croise Dark Vador en personne pour un featuring rythmique devenant rapidement essentiel (« C’est Coffees »). À ce titre, les textes sont d’une exceptionnelle richesse, pulvérisant au gré de la tempête leurs mots et références avec un naturel désarmant, mais sur lequel il convient de se pencher activement. Alternant les atmosphères en basculant du film noir au fantastique sans crier gare, Renaud Druel et Caroline Pauvert font de la folie harmonique le terreau d’une nouvelle maladie mentale, mais non de celles qui vous emprisonnent et vous rendent catatoniques ou schizophrènes ; on songera plutôt à un syndrome hallucinogène nous faisant accepter les ténèbres autant que le réconfort (« Chinese Opium »). Un charme hypnotisant, où l’union des corps nous plonge en Enfer, là où les âmes damnées hurlent et nous observent (« Lilli »). L’hémisphère cérébral gauche dans le 7e Art ; le droit, dans l’acceptation de la souffrance et du vice comme un mode de vie, tant qu’il est maîtrisé grâce à la musique et au chant, dont le débit mesuré et implacable détrousse l’auditeur sans que celui-ci ait le temps de réagir.

« Freak Show » déambule dans les couloirs de l’Overlook, la nuit. Dans les ruelles sombres et sales d’un célèbre quartier londonien. Dans les rues de New-York en pleine période 80’s, quand l’exploitation existait enfin, sous le manteau, en VHS. Bande originale idéale et salutaire de ces ères trop vagues mais faites et vécues par et pour des passionnés, l’album de Coffees & Cigarettes est brûlant, corrosif et empli d’images subliminales parlant à nos esprits afin de mieux bouleverser leurs préjugés. Longtemps, « Un cri » résonnera comme la vérité et la conséquence d’un tourment social dont la monstrueuse parade est la seule échappatoire ; et autant avouer que l’on suivra les caravanes comme si elles étaient notre joueur de flûte de Hamelin, notre Andrew Linoge de Little Tall Island. Sans réfléchir, mais en se sentant irrésistiblement transportés par cette œuvre aussi dantesque que magnifique.

« Freak Show » de Coffees & Cigarettes est disponible depuis le 20 octobre 2017 chez Whitechapel / Tekini Records.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.