[Live] Cloud Boat à St Pancras Old Church

Dans un grand brumisateur aux couleurs pastel, Cloud Boat nous offre un concert à son image : sombrement radieux.

Cloud Boat © Julien Catala

Je traverse le miroir d’asphalte, doucement, pour ne pas glisser. Pancras Road, 19h27. Un vulgaire Polly Pocket sur une bute de verdure, un grand escalier en pierre, un portail en fer forgé disproportionné. Je pensais l’église plus majestueuse. Parler de « sanctuaire » serait plus approprié. Étrange, son entrée est surplombée d’une rosace en béton clair, comme si la bâtisse elle-même en était remplie. Les feuilles des hêtres tachètent le sol de lumière. Des jeunes pique-niquent en brandissant des bières, des amoureux se bécotent dans leur nuée de cigarettes. À l’intérieur, le blanc s’effrite sur les murs, le parquet date de Mathusalem et une vierge de bois grabataire supplie un plan de restauration. Des chaises d’église sont alignées. Je m’assieds au premier rang quand sur le côté droit, deux icônes aux yeux froncés me prennent de haut. Je les confronte du regard.

L’église s’est littéralement changée en grand fumoir. L’odeur des fumigènes est forte, tout le monde se trouve dans un épais nuage. Je peine à voir les rangs de derrière. C’est le moment opportun pour que Sam et Tom, accompagnés de leur bassiste Liam, apparaissent derrière leur planche aux 100 boutons. « Hideaway » survient en même temps, les éclairages fumants s’animent de toute part. Les jeux de lumière attisent la sonorité électro-pop du morceau quand le problème technique survient, Tom chante dans le vide. Quelques secondes qui durent une éternité, évidemment. Arrangé en quatrième vitesse, les gouttes frontales en moins, les trois rescapés terminent leur titre dans la brume bleutée. Place à la douceur et aux ténèbres avec les morceaux « Wanderlust » et « Bastion », magnifiquement interprétés par le grand roux tatoué. Les beats sont calmes et denses, l’électro est imparable. L’instrumental de « Lions On The Beach » amène un plaisir extrême, scène et audience comprises, quand les têtes se ferment et se balancent sans expression.

Après quelques autres pépites du nouvel opus, le trio se retire comme accoutumé pour revenir sous les feux des applaudissements. Une belle réinterprétation de leur titre acoustique « Dréan », pour terminer sur les 7 minutes de « Pink Grin » : l’incandescence, l’ultime grandeur du live où l’on rit l’ahurissement et pleure les sentiments. Choses faites. À la sortie, je suis surpris par le calme mortifère du jardin et la nuit me rappelle qu’il me reste encore 40 minutes de trajet à faire, sans musique.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante