En questionnant dans son premier album son rapport viscéral à la vingtaine, la troublante chanteuse chicagoane Claudia Ferme, alias Claude, dépeint avec une sensibilité exacerbée, pudique et ardente, le mélodrame de sa génération confrontée à l’anxiété sociale et au non-conformisme pour exister aux yeux des autres. Brumeuse, mais fascinante, sa dream pop souvent jazzy répond mystiquement à sa posture arty jusque dans sur sa pochette et ses derniers clips dans lesquels elle revêt un camail d’armure à l’anachronisme insolite. Loin d’en faire un exercice de style présomptueux, l’Américaine livre un premier essai fier et mature à l’écriture marquante et innovante.
À tout juste 27 ans, Claude, sous son heaume guerrier met ses émotions à nu pour faire le bilan de ses premières années dans la vingtaine. Son expérience autobiographique, forcément romancée, n’est pas un exercice évident. À ce propos, l’Illinoisaise l’inscrit volontairement dans une démarche spontanée, elle qui refuse de consacrer un temps propre à l’écriture, préférant largement l’inspiration du moment. C’est donc sans se torturer l’esprit, mais en se laissant rattraper par ses souvenirs que l’Américaine retrace le fil de sa vie de jeune adulte ; quand nos perspectives et nos idéaux s’en trouvent bousculés ou confortés, quand la maturité s’impose par la force et parfois la dureté des expériences.
« I’d rather be hurt by my own doing / Je préfère être blessée par ma propre faute
than be let down by someone else / plutôt que d’être déçue par quelqu’un d’autre.
At least that’s what I tell myself / Du moins, c’est ce que je me dis. »
Avec sa maîtrise disciplinée et presque nébuleuse de l’art pop, celle qui marie à merveille les registres dream pop (« turn », « meet me »), smooth jazz (« twenty something ») et coldwave (« what’re you on tonight ») sème le trouble dans notre esprit par la force de son écriture introspective, un peu perdue dans ses aspirations au mieux-être, mais loin d’être défaitiste. Car de la beauté, de la lumière, de l’espoir, il est aussi question quand elle transcende sa mélancolie sur « meet me » en s’invitant à rompre la distance émotionnelle avec ses proches ou quand elle songe à embrasser sa vie comme elle l’entend et non plus comme « elle le devrait », plus comme l’image qu’elle aspire à confier aux yeux des autres (« roses »).
Preuve de cette volonté de changer de paradigme et d’être en harmonie avec ses envies et sentiments, « oh, to be » offre une conclusion grunge insoupçonnée et battante à une artiste qui a bien compris que pour aller de l’avant, tout se joue d’abord dans la tête.
« a lot’s gonna change » de Claude est disponible depuis le 12 août 2022 chez American Dreams Records.
