Difficile, pour ne pas dire impossible, de s’attaquer à un monument comme Alain Bashung ; c’est pourtant ce que fait Chasseur en relisant l’un de ses titres les plus complexes, « Je me dore », redessinant ses formes instrumentales et vocales pour nous offrir rien de moins qu’une réappropriation à la fois inédite et respectueuse du poète.
Le choix artistique de Chasseur, une fois attelé à sa reprise de « Je me dore », est évident : les arrangements seront sobres, appuyés mais jamais trop simples, éloignant sa démarche de la performance acoustique pure. Les sonorités synthétiques d’abord graves puis luminescentes se lient à la voix, à une narration de la solitude et de l’isolement que la pochette même de ce single inattendu expose devant nos yeux. À n’en pas douter, Alain Bashung aurait adoré le travail du musicien, et pour cause : là où le premier prenait un virage mélodique étourdissant, entamé sur son album précédent et alors pleinement maîtrisé, le second poursuit cette renaissance cruellement avortée en montrant le reflet de sa substance première.
L’écran total, d’ailleurs, pourrait être virtuel, image subliminale du fantôme électronique de Bashung, de sa présence immuable et éternelle près de chacun d’entre nous. Qu’on aime ou non cet incroyable poète, on ne peut nier sa place honorifique au Panthéon de la chanson française. Chasseur le sait et n’essaie à aucun moment de revoir son statut de disciple pour l’exercice qu’il accomplit. C’est avec une humilité hors du commun et une affection profonde qu’il remercie l’auteur, en inscrivant son identité artistique sur les sillons laissés par celui qui nous manque tant. La plus belle et plus saine façon d’adresser un signe de la main, pour ne jamais oublier.
