[LP] Charlie Coxedge – Cloisters

Pénétrer dans la musique de Charlie Coxedge est une expérience hors du temps, de l’espace ou de tout univers connu. En alliant la qualité de boucles mélodiques entêtantes et enivrantes à des arrangements de guitares et claviers occupant un espace certes restreint, mais toujours précis et d’une logique transcendante, le compositeur offre un premier disque aussi passionnant qu’un vieux film en noir et blanc que l’on redécouvrirait sous un jour nouveau et encore plus palpitant.

Se risquer à la musique instrumentale demande avant tout une logique, une envie d’exprimer par les notes un langage que l’on ne se sent pas capable d’exprimer grâce aux mots et au timbre. Le reflet harmonique devient alors, en quelque sorte, la personnification de nos êtres intérieurs, de notre intimité la plus réservée et inavouable. Cette confiance que l’artiste mancunien Charlie Coxedge nous propose de partager en sa compagnie grâce à « Cloisters » est précieuse, idiome inédit et inconnu qui révèle ses définitions au fil des écoutes. Sans jamais sombrer dans la mélancolie pure ou l’expérimentation, le compositeur dose savamment et émotionnellement ses nappes, ses sonorités, ses impulsions qui prennent alors vie, éclosent et existent. Une naissance à laquelle nous sommes conviés et qui nous marquera à jamais.

Tout, dans les créations de Charlie Coxedge, est histoire de formes, d’ombres et de jeux de lumières tendres et chaudes. « Cloisters » explore les confins de la guitare, les loops se cherchant et s’entrelaçant dans une chorégraphie enchantée et sereine qui portera tout l’opus, même lorsque celui-ci se fera plus solennel à travers le dialogue piano-six cordes éprouvant de « Pentreath ». Déstructurant les apparences tout en laissant les mélodies vivre leur existence propre (« Dust »), le musicien étend les draps immaculés de ses ambiances limpides et merveilleuses, là où le rêve paisible et aérien de « Corrour » se plaît à sourire à la troublante solennité de « Be ». S’invitant dans nos existences afin de mieux nous inciter à observer ce que nous sommes autant que ce que nous tendons à devenir, il regarde, peint, efface et retrace les squelettes primaires de créatures sonores belles et troublantes, que le final « Holly » nous demande de contempler pour mieux regarder ce qui se passe au-delà des apparences, là où mystère et délices visuels et mélodiques modifient à jamais le réel.

Des pellicules oubliées, délaissées par le temps et l’humain, que l’on retrouve enfin et dont chaque pictogramme est une révélation. Des espaces clos du titre de son album, Charlie Coxedge dessine des paysages uniques et ouverts sur le monde ; éphémères certes, mais qui stimuleront longtemps nos esprits et nos cœurs. De lentes promenades sur les landes désertes du souvenir, là où l’introspection se mêle à la vérité et à la reconnaissance de notre moi profond. Des filaments qui unissent nos existences et mêlent nos espoirs au bien commun, en passant tout d’abord par l’acceptation de soi.

« Cloisters » de Charlie Coxedge est disponible depuis le 26 mai 2017 chez Bella Union / [PIAS].


Retrouvez Charlie Coxedge sur :
LabelTwitter

Photo of author

Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.