[Live] Festival Cabourg, mon amour 2014

Cabourg est à seulement 2 heures de Paris et est plutôt connue pour être une ville sage et romantique, chère à Marcel Proust, où les familles viennent l’été investir de grandes maisons normandes et profiter de la plage, de la pêche à la crevette, des randonnées dans le bocage normand et savourer des cocktails en regardant le coucher de soleil.

Bagarre © Nicolas Nithart
Bagarre © Nicolas Nithart

Pour la seconde fois, alors que matelas et serviettes de plage, crème à bronzer, espadrilles et Ray Ban se retrouvent empaquetés au fond d’une valise que l’on jettera râleur dans la voiture avant de reprendre la route vers la capitale, le festival Cabourg, mon amour vient jouer les trublions et donner un ultime regain d’énergie à la station côtière. Les 29 et 30 août dernier, une quinzaine de groupes et de DJs sont venus sonner un glas pop-rock-indé-électro avant que ne résonnent les cloches de la rentrée dans les cours de récréation.

Après avoir bullé au soleil sur la plage au son des platines chahutées par le vent et la mer, en ayant savouré un succulent Fish and Chips du fameux food truck « The Sunken Chip », c’est avec du sable plein les chaussures que l’on sera venu entamer un premier pas de dance devant la scène du festival aux rythmes joyeux et contagieux des SAmBA De La mUERTE. Short et boat shoes de rigueur, Adrien plonge dans le public pour le ramener au bord de sa vague musicale et l’entraîner dans sa danse et sa transe mortelles. Le jeune groupe caennais a pris beaucoup de bouteille depuis la résidence au Chabada où nous l’avions repéré il y a 1 an et demi. Une bouteille qui n’est pas à la mer. L’énergie et la synergie sont communicatives, les enfants du pays dépaysent avec une indie-pop riche en volutes et tribalité. Les SDLM ont enfin trouvé leur place et ne tiennent pas en place. Le final en double drum d’Adrien et Corentin nous abandonne dans une furie dansante, les Normands en terrain conquis ont magnifiquement planté le décor.

Attention, un normand peut en cacher un autre. Les Two Bunnies in Love (qui sont 5 sur scène), sont aussi venus en voisin et en renfort pour asséner leur pop chaloupée et chahutée soutenue par une voix délayée et plutôt haut perchée. Le groupe a lui aussi pris de la hauteur depuis sa prise en main par une marque d’alcool jaune. On a bien sûr en tête le génial morceau « Duchesse » (qui sera joué en dernier), prêts à partir avec les lapins au pays du rock anglais puriste et curiste. Mais au final, les sentiers empruntés par les Bunnies nous perdent un peu sur leur grande plage musicale. Il nous reste en oreille un côté brouillon sans ligne directrice franche par un groupe qui a certes du charisme mais qui sur scène nous laisse la sensation de nous avoir posé un lapin.

Changement de style avec les jeunes The Pirouettes venus s’aventurer sur les terres d’Elli et Jacno.
Frais et souriant, le duo revendique et semble assumer une pop minimale et minimaliste avec un songwriting à faire rougir un élève de CM2. Car c’est sans complexes que sont enchaînés les titres pré enregistrés et samplés aux paroles karaokesques et parfois grotesques. On hésite entre 5e degré et jeunesse innocente pour comprendre que The Pirouettes ne vaut finalement – et hélas – que des cacahouètes. Pas sûr que le jury se soit retourné sur eux, même à The Voice Kids.

Nous revenons aux choses sérieuses avec les Parisiens de Natas Loves You. Et nous on les aime tout de suite lorsqu’ils déboulent sur l’estrade. Collectif Européen soudé et puissant, il se dégage immédiatement une force musicale et mélodique auprès de ce quintet qui joute à 3 voix en front de scène. Rond, pêchu, vaporeux, dansant, atmosphérique, leur indie-pop et leur funk trépignant sont autant d’ambassadeurs à la joie de vivre. Les notes claquent et nous en mettent, même dans les moments un peu plus calmes flirtant parfois avec le Reggatta de Blanc. Exubérants mais jamais trop, exténuants mais on en redemande, les Natas Loves You nous ont offert un magnifique coucher de soleil musical à minuit. Garanti sans sommeil.

Natas Loves You © Nicolas Nithart
Natas Loves You © Nicolas Nithart

Les Hijacked ont tout fait sauf détourner notre attention. Leur sobriété sur scène était inversement proportionnelle à la richesse et à l’ivresse de leur jazz hip-hop qui très rapidement emporte l’adhésion du public, pourtant venu entendre des sons plus électriques. Avec la voix posée de la belle Jesabel, toujours juste, amie avec Amy et que n’auraient pas renié une Nina Simone ou une Sarah Vaughn, sur la musique de Clément bricolée, samplée, loupée, triturée, détournée pour en faire un son implacable, le duo aura gagné le pari d’extraire une quintessence musicale ralliant des festivaliers visiblement heureux de s’être laissés happer par le chant de cette autre sirène.

Le gentleman charmeur Lewis Evans ne cache pas son impatience et son plaisir de se retrouver devant une faune toute prête à sa cause. On oubliera vite son pedigree Lanskiesque pour se concentrer sur ce qu’il sait vraiment faire – et bien. En sourires, private jokes et dérision, l’homme entraîne sa jeune équipe dans un tourbillon pop folk électrique ou s’entrechoquent des MGMT avec des Radiohead. Détendu et confiant de sa musique, il positionne différemment son bandeau sur ses cheveux ou son cou à chaque changement de titre. Une mini mise en scène pour marquer la puissance et l’inspiration de chaque chanson. Sans transitions et qui nous transit d’un de ces plaisirs communicatifs qui se répandent automatiquement dans la salle. Tandis que le groupe descend dans le public lors du final pour scruter son imprévisible Kapellmeister, Lewis Evans seul devant ses nouveaux fans nous gratouille un « Good Bye Dubai » qui n’est bien entendu qu’un « Au revoir ».

Lewis Evans © Nicolas Nithart
Lewis Evans © Nicolas Nithart

« Bonjour »… « Bonjour »… « BONJOUR »… Bonjour nous sommes bagarre… BONJOUR NOUS SOMMES BAGARRE…. Bagarre scrute un public figé et impressionné. Qu’attendre d’un groupe qui cherche d’emblée la rixe et semble antipathique… une mouche vole… Et pique Bagarre qui se déchaîne dans une électro hargneuse disséquée en français. Ils n’ont pas le look de leur musique et leur musique n’emprunte aucun autre look. Quelque part entre LCD Soundsystem et Arcade Fire version frenchie, Bagarre serre les poings et se bat dur pour imposer son rock esthétique et électrique qui ne tient pas en place. Tout comme ses membres qui ne cessent de changer de poste et de pose, ne cherchant jamais à s’installer dans le confort. Bagarre est sensationnel et n’en doutons pas ascensionnel. Un vrai combat rock au bord du clash. On tend l’autre joue.


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans