[Clip] [Exclusivité] Bungalow Depression – The Whirl

Quoi de plus logique, pour un groupe comme Bungalow Depression suggérant autant d’images mentales à travers sa musique ample et secrète, que de se raconter à travers une étrange vidéo illustrant à merveille la profondeur de sa sensibilité ? Le désormais trio, réuni autour de la vision esthétique et des expérimentations de la musicienne Anne-Laure Labaste, et tirant d’ailleurs son nom d’un court-métrage de l’artiste et performer anglais Grayson Perry, dévoile par ailleurs les premiers contours de son premier album, dans ce clip jouant visuellement sur le mouvement du corps et sur les corps en mouvement.

Derrière les vidéos de Bungalow Depression, comme la captation live de « Sad Day », ou l’univers visuel de « When it’s time to give up » et donc aujourd’hui, « The Whirl », se révèle une symbiose artistique entre le groupe et la réalisatrice Gaëlle Manach, dont les obsessions narratives ont déjà fait des merveilles pour les trépidants We Hate You Please Die, fer de lance de la scène rouennaise actuelle, à laquelle Bungalow Depression est logiquement rattaché. Le clip de « The Whirl » met en scène une intense lutte du corps et de l’esprit. À travers la métaphore du mouvement, elle illustre parfaitement la permanence du doute comme la vivacité de l’espoir, entre soubresauts rythmiques en solo et synchronisations chorégraphiques collectives. La forme générale de cette vidéo est singulière. Elle est très éloignée de celles totalement assumées, répondant au côté survolté et sauvage de We Hate You Please Die (loufoque pour « Hortense », « Melancholic Rain » ou dans l’esprit « teenage movie », typique de l’imagerie Sonic Youth pour « Minimal Fonction »). En ce sens, Gaëlle Manach a exploité ici son penchant naturel pour le cinéma expérimental et abstrait, sur un chemin déjà emprunté par exemple pour le groupe Seasonal Affective Disorder. « The Whirl » s’éloigne ainsi des codes habituels du vidéoclip musical, tels qu’ils ont été notamment définis dans les fameuses 90’s. En effet, ici pas de mise en scène du groupe au cœur du processus narratif. Qu’elle soit contrainte ou volontaire, l’absence d’objets rompt avec la profusion de signifiants habituellement de rigueur. Plus largement, le dépouillement minimaliste des décors est propice à la création éphémère, illusoire de lieux chimériques et abstraits, souvent simplement dessinés et délimités par la seule lumière. Nous sommes ainsi entraînés dans une sorte de monde(s) parallèle(s), complètement détaché(s) du réel, favorisant cette sensation de fuite, de lutte et plus largement de quête. Une quête en forme de libération, assurément !

Mais pour se libérer de quoi ? De soi-même ? De la nuit ?  De l’obscurité, au sens propre comme au figuré ? À l’évidence, les choix de composition, plaçant régulièrement au centre de l’image, au centre de la foule, au centre de l’espace, cette danseuse, héroïne, inarrêtable, étonnamment placide, nous met dans une situation de vis-à-vis extrêmement forte et particulièrement empathique. Nous sommes en quelque sorte impliqués sans le vouloir dans cette recherche d’absolu, interrogés par ces gestes aux obscurs significations spirituelles, et à la dimension presque philosophique. Et pourtant, comme dans cette chronique, nous en venons presque à oublier la musique de Bungalow Depression. Loin d’être absente et secondaire, elle est par essence, cette voix intérieure complexe et contrariée, ce doute permanent qui nous obsède autant qu’il nous fait avancer. La dynamique du pas à pas, la succession des épreuves du scénario trouvent un parfait écho dans la scansion très particulière et liturgique du chant d’Anne-Laure Labaste, quelque part entre les élans gothiques et oniriques de Lisa Gerrard (Dead Can Dance) et les élucubrations surréalistes et cauchemardesques de Fever Ray. « The Whirl » annonce ainsi avec beaucoup de force et de maestria à travers ce film envoûtant, l’intensité émotionnelle de « Blank Slate », premier album annoncé pour la rentrée, et donc dès à présent très attendu.

« Blank Slate » de Bungalow Depression, sortie le 9 octobre 2020 chez SOZA.


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Laurent Thore

Laurent Thore

La musique comme le moteur de son imaginaire, qu'elle soit maladroite ou parfaite mais surtout libre et indépendante.