[LP] Big Eyes – Stake My Claim

Au contact du rock’n’roll, du pop-punk et du foisonnement de Brooklyn, Big Eyes livre un troisième album mûri et façonné par le temps et les questions que cela comporte. « Stake My Claim » se consomme avec entrain et fureur, alors que le groupe entame une tournée dans le Midwest.

Big Eyes - Stake My Claim

Avant d’être un film de Tim Burton, Big Eyes est le titre d’un morceau de Cheap Trick. C’est là que prend racine le projet de Kait Eldridge, artiste née dans les environs de New York. Un projet qui a voyagé entre Brooklyn et Seattle. Entre rock and roll et pop-punk. Aller-retour entre deux hauts pôles de la culture américaine. Au fil des années, des musiciens se sont succédé, ont donnés de leur sueur et de leur talent, ainsi l’identité du groupe porte les empreintes de chacun de ces passages. Été 2016, Big Eyes sort son troisième album, « Stake My Claim » et sert une musique qui s’est affirmée et s’est clairement engouffrée dans les chemins du rock le plus ténébreux tout en gardant son âme d’enfant.

« Stake My Claim » forme très clairement un tout. Il s’écoute du début à la fin. Il s’écoute de long en large. Et pourtant, il s’écoute comme on entend une vague nous surprendre puis finalement nous emporter. Dangereux et revigorant à la fois. Les dix morceaux se succèdent et nous emmènent dans leur sillon avec ivresse et vitesse. D’ailleurs, il y a chez Big Eyes, cet instinct bref et agressif de donner des morceaux qui sont taillés au couteau : avec minutie, mais avec franchise. Alors « Stake My Claim » se déploie définitivement comme une intense course en avant. Guerrière et pourtant si généreuse. Mélancolique et pourtant si heureuse.

Kait Eldridge écrit de façon brève. Les mots percutent. Les refrains se retiennent. Slogans lancés dans les airs et l’existence. Les paroles claquent comme les pas d’une armée insolente et insoumise. Elles dessinent les traits simples d’une silhouette dont chacun peut remplir les contours par sa propre expérience. Il s’agit sûrement de la grande force des paroles de Big Eyes : efficace par le large horizon qu’elles ouvrent, tout en martelant fermement les revendications propres à la jeune artiste. Les titres débutant l’album sont les plus révélateurs de ce phénomène de « Stake My Claim » à « Giving It Up For Good ». La voix est tout autant franche que farouche. Kait Eldridge porte dans son chant le combat, le moteur et l’essence. À l’entendre, le rock est une histoire à déguster au lance-pierre, à apprécier dans l’adrénaline et le partage. Sa voix sombre nous entraîne dans les ruelles, et pourtant aux contours d’une mélodie, s’aperçoit un timbre qui a quelque chose du sourire en coin.

Big Eyes a cette dualité en son sang, jouant des différentes sensations de la vie : des plus obscures aux plus lumineuses. Des revendications aux « Cheerleaders ». Ces mots et ce chant naviguent dans un courant ambitieux de cordes et de batterie. Toujours parcourues par un élan allant de l’avant, les guitares dressent des airs faits de nuances racoleuses, d’écorchures douces et par-dessus tout de grande fluidité. Chez Big Eyes, la musique est une nappe envahissant nos corps, nous submergeant et nous accompagnant dans une grande descente fraîche. Envoûtant et enveloppant. À l’écoute des précédents albums, le groupe new-yorkais a largement gagné en rock, en riff et en engagement, laissant quand même les saveurs pop à certains morceaux tels que « When You Were 25 ». Big Eyes conçoit, sans complexe, un projet aux différentes envies et dont la maturité en fait un objet facile à la première écoute, mais qui regorge de belles subtilités.

crédit : Ryan Muir
crédit : Ryan Muir

Trois ans après « Almost Famous », Big Eyes est de retour avec un album pleinement réfléchi et à l’ambition assumée. Entre dérision et revendications, Kait Eldridge mène le navire dans une tempête de vagues rock et une cascade de refrains entêtants.

« Stake My Claim » de Big Eyes, sortie le 19 août 2016 chez Don Giovanni Records.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes