Élément capital du fantasme quantique d’Alex Garland, la bande originale de « Devs » replonge le spectateur dans les labyrinthes temporels et dramatiques d’un phénomène intimiste et fantastique hors du commun.
Les plus chanceuc d’entre nous ayant découvert, il y a quelques semaines, la splendide création du scénariste de Danny Boyle – et réalisateur des audacieux « Ex Machina » et « Annihilation » -, ne s’en sont toujours pas remis. « Devs », entité informatique au potentiel infini, délire mégalomaniaque dépassant ses protagonistes obsédés par un savoir qui finira par leur échapper, folie scientifique à l’esthétique inoubliable, a terrassé le format télévisuel en quelques épisodes, et ce, dès ses premières secondes. Portant la narration posée et mature de Garland, la B.O. demeure l’une des clés de cette incontestable réussite, oscillant entre ambient et chœurs, cordes et saxophone plaintif et transcendant.
Trente-sept chapitres courts que l’on doit aux talents réunis de Ben Salisbury, Geoff Barrow et The Insects ; trente-sept immersions inédites dans les engrenages transparents et essentiels de « Devs », du thème d’Amaya aux déclinaisons du magnifique « Plainsong » originel, points d’ancrage d’une musique aussi prenante et irréelle que les images qu’elle se doit d’illustrer. Un pari risqué, tant tout cela aurait pu rapidement dévier vers la contemplation usée d’un new age futuriste sans saveur ; mais Alex Garland et ses compositeurs ont bel et bien capté la nécessité d’offrir au super-ordinateur une intonation grâce aux notes, nappes et sonorités de ce disque s’écoutant, à l’instar des prouesses harmoniques cinématographiques du duo Trent Reznor/Atticus Ross, comme une œuvre à part entière. Il nous semble entendre les voix de ces quelques secondes brouillées diffusées dans la chambre de visualisation, pendant les instants les plus féconds en théories de toutes sortes du show, ou lors des ralentis délicats et tragiques qui hantent l’espace à ciel ouvert d’une scène infinie.
L’innocence d’Amaya à son paroxysme, portée par les synthés célestes et les cuivres mélancoliques d’un album éblouissant et réservé. Le testament ultime d’une merveille visuelle et scénaristique.
« Devs » de Ben Salisbury, Geoff Barrow & The Insects, disponible depuis le 1er mai 2020 chez Invada Records.
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