[Live] Bagarre et Garçon Sauvage au Sucre de Lyon

Les Garçon Sauvage, soirées gay friendly et queer inclassables et incontournables de la scène nocturne lyonnaise, anciennement au Sonic et désormais au Sucre, sont un lieu privilégié et insolite pour assister à des concerts d’artistes atypiques et n’ayant pas froid aux yeux, dans une ambiance unique et délurée. Le samedi 13 février au soir, c’était donc le groupe parisien Bagarre qui prenait la case « live show » de la soirée, entre minuit et une heure du matin. Mais avant de parler de leur concert délirant, quelques mots sur l’événement sont nécessaires pour en apprécier et comprendre le contexte.

crédit : Marie Rouge
crédit : Marie Rouge

Ce n’était pas n’importe quelle « GS » ce soir-là, puisque l’hôte-sse des lieux, Chantal La Nuit, fêtait son anniversaire. En guise d’hommage, une partie des « ambianceuses » de la soirée, comprenez drag queens ou toute autre créature indéfinie de la nuit, s’étaient déguisées en… Chantal La Nuit. Je vous laisse imaginer l’ambiance dans le tramway à 23h, lorsqu’au milieu des dizaines de fêtard-e-s, gays ou non, couverts de paillettes et d’accoutrements bariolés qui faisaient déjà une jolie tâche parmi les badauds, débarquèrent donc une dizaine de copies volontairement plus ou moins conformes de Chantal. Après cette hystérie collective bon enfant, place à la soirée. Dans la salle du rooftop du Sucre, le DJ lyonnais David Bolito ouvre le bal comme à l’accoutumée, au son d’une sélection plus vindicativement dansante et électronique que d’habitude. Exit ou presque les pépites disco kitsch improbables qui font tout le sel de ses mix inauguraux ; ce soir, il y a Bagarre derrière, et il faut que le public soit chauffé à blanc quand les Parisiens débarqueront. L’ambiance monte rapidement et la musique est au top. Vers minuit, on souhaite donc tous son anniversaire à l’hôte de la nuit. Une distribution de T-shirts à son effigie a lieu, les Chantals d’un soir envahissent la scène pour marquer le coup et un énorme gâteau est partagé au bar. On se disperse un peu et Bagarre entre en scène quelques minutes après la fin du set de Bolito.

Bagarre - crédit : Marie Rouge
Bagarre – crédit : Marie Rouge

Trop occupé à faire la mondaine (oui, j’étais des Chantals de la soirée) sur le rooftop, je rate bêtement le début du concert pendant lequel le groupe évacue en plus ses deux principaux tubes, « Le Gouffre » et « Claque-le ». En panique, je me fraie un chemin parmi la foule du haut de mes terriblement inconfortables talons aiguilles, et j’atteins péniblement le premier rang devant l’avant-scène. Autour de moi, c’est la folie. La salle est plongée dans une pénombre bleutée, l’ambiance tout ce qu’il y a de plus moite, et le groupe s’affaire sur les planches avec fièvre et au milieu d’une foule de danseurs ayant déjà envahi la scène. Dans ce foutoir total, les créatures défiant le genre et le bon goût côtoient les looks streetwear et urbains des garçons et des filles sauvages s’étant pour l’occasion calqués sur les tenues arborées par Bagarre.

À défaut d’un vrai dresscode, nombreux sont ceux et celles qui optent pour un maquillage de circonstance : œil au beurre noir factice, faux pansements et plaies sur le visage ou le corps. Côté musique, c’est énorme. Les musiciens assurent malgré les circonstances qui pourraient déstabiliser et en rajoutent encore, haranguant le public et exhortant tout le monde à danser, chanter, crier, monter sur scène. La Bête, un tant en retrait pour s’occuper de divers instruments (percus, claviers), prend finalement le micro seul et se mêle à une foule cosmopolite de plus en plus dense sur le podium d’avant-scène. La musique se fait plus sombre, lascive, violente et les gens se lâchent complètement. Mes pieds meurtris me hurlent d’arrêter le massacre, mais rien n’y fait. C’est trop bon et je danse comme une folle furieuse au milieu de la foule, parfois juste à côté de La Bête, secouant ma perruque dans tous les sens et parfois même l’arrachant pour l’agiter au-dessus de ma tête. « Minuit » et « Macadam » déchaînent les passions et une bonne partie du public reprend les paroles en chœur dans une ambiance de chaos jovial. Au loin, des clones de Chantal observent la scène depuis le comptoir du bar sur lequel ils sont assis, dodelinant au gré du rythme des morceaux qui s’enchaînent. La fin du concert est proche, l’assistance est en furie et le groupe ne faiblit pas : le très à propos « Mourir au club » démarre et se mue instantanément en hymne du soir, à la fois libérateur et mortifère. Puis le groupe joue en rappel, dans une atmosphère d’euphorie presque confuse tant elle atteint son paroxysme, « La Bête voit rouge » et achève de sidérer un public pourtant conquis dès la première seconde du show. Les drag queens sont « drop-dead gorgeous », le show s’achève et je file au vestiaire me changer pour le reste de la soirée.

Se succèdent ensuite, d’une à trois heures du matin puis de trois heures jusqu’à la fin de la soirée, deux DJs : L’Homme Seul, tout d’abord, ex-Lyonnais, néo-Londonien et DJ résident des GS où il a, par le passé, moult fois fait merveille. Ce soir cependant, il n’est pas au meilleur de sa forme et son set, inégal et miné par quelques transitions un peu hasardeuses, déçoit. Néanmoins, quelques moments de grâce subsistent et suffisent à maintenir l’ambiance pour le public, resté tout de même nombreux après le concert de Bagarre. Et puis, il a le bon goût de finir son set sur l’excellent « A New Error » de Moderat, comme un clin d’œil à la programmation des Nuits Sonores 2016.

L'Homme Seul - crédit : Marie Rouge
L’Homme Seul – crédit : Marie Rouge

Mais c’est surtout Deepneue qui marquera les esprits et achèvera de faire de cette soirée un excellent moment. Bráulio Bandeira de son vrai nom, lui aussi ex-Lyonnais et camarade de route de Chantal La Nuit lorsqu’il mixait aux Bunny Slut Club et aux Middlegender (les soirées queer par lesquelles Chantal s’est fait un nom à Lyon), désormais établi à Berlin, effectuait ce soir-là un retour pour le moins triomphal devant un public partiellement composé de personnes connaissant déjà son habileté en live. Dès les premières secondes de son set mélangeant astucieusement house, techno et acid à des éléments plus pop ou commerciaux, dilués dans des samples ou des remixes de haut vol, tout le monde avait compris : les prochaines heures seraient un excellent défouloir sur dancefloor, une rêverie musicale électronique à en réveiller les morts ou inventer de nouvelles danses pour suivre le mouvement de la musique.

Il serait difficile de décrire avec des mots ce qu’a été alors le reste de la soirée, telle que je l’ai vécue, à danser comme un dingue au milieu de cette foule bigarrée et en transe, à nulle autre pareille. Le mieux, pour se faire une idée, serait de venir vérifier par vous-mêmes à la prochaine Garçon Sauvage, le 2 avril prochain au Sucre.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique