Un laboratoire musical regardant vers de multiples horizons et développant un hip-hop originel qui se transforme au fil des titres ; « Lucioles » est bel et bien une collection impressionnante de points musicaux lumineux et intelligemment mis en valeur.
Le hip-hop français a-t-il encore un avenir ? On est en droit de se poser la question, tant le genre – n’en déplaise aux fans d’hypothétiques nouvelles valeurs montantes aussi futiles qu’inintéressantes – paraît en perte de vitesse, n’étant plus que l’ombre de lui-même alors que les années passent. Pourquoi ne pas essayer, comme le fait Azad Lab, de marier les influences autour d’une seule et même envie, d’un même besoin de redonner ses lettres de noblesse à un style en perdition ? Mais également, et c’est bien là l’enjeu primordial, de le laisser voguer vers d’autres terres qui, finalement, ont le même but ? « Lucioles » est un disque fait d’âme et de cœur ; une exposition de possibilités infinies, tant les musiques que le collectif manie étaient faites pour se rencontrer. Le résultat est aussi détonnant qu’inespéré.
Unissant soul, blues et dub autour de paroles et chants exprimés de manière totalement libre, le sextet illustre à la perfection les ambitions qu’il emmène avec lui. Ce qui nous offre un LP aux multiples saveurs, sans temps mort et avec une fougue et une inspiration de tous les instants. La course effrénée de « Milky Way » orne ses arrangements de guitares et cuivres discrets, amis de longue date trouvant ici une signification majeure, magnifiée par des chœurs parfaits. Le vrai hip-hop, celui qui nous fait secouer la tête et taper du pied, devient en quelques secondes baigné de swing à l’ancienne (« Red Lights ») tout en ne se perdant jamais en cours de route et en s’affirmant comme matière première immuable (« Night Drift » est, à ce titre, l’une des meilleures pistes qu’il nous ait été données d’entendre depuis au moins une décennie). Mais c’est dans l’expérimentation que Azad Lab trouve sa réelle vocation : la soul et les samples vocaux de « Grain blanc » deviennent obsessionnels pour n’importe quel auditeur, « Sfumato » se fait confident et sincère, « Morning Sun » nous emmène dans un bar discret et enfumé… Il serait difficile de rendre compte de la valeur ajoutée de ce disque brillant de mille éclats, tant chaque écoute dévoile son lot de surprises.
Porté en plein tumulte des méandres urbains, alors que la nuit vient de tomber, l’auditeur retrouve des atmosphères étranges, agressives parfois mais toujours justes, à travers les intermèdes « Vol de lucioles » ponctuant la continuité du disque. Et, venu de nulle part, « Taïga » s’impose comme la réussite incontournable d’un ensemble déjà fouillé et méticuleux : un titre dont la continuité ne cesse de se briser, mariant samples et voix dans un mouvement tourmenté et passionnant, le tout baigné d’un spleen qui prend immédiatement au cœur. Inutile, de ce fait, de tenter de convaincre les plus pointilleux ; « Lucioles » s’écoute autant qu’il se vit, sans jamais interrompre la douce folie expérimentale et humaine qu’il conserve précieusement en son sein. L’attente en valait vraiment la peine.
On ne remerciera jamais assez Azad Lab pour ces moments palpitants et foisonnants ; la suite risque de se faire terriblement désirer, après une telle prouesse artistique.
« Lucioles » d’Azad Lab est disponible depuis le 1er avril 2016 chez L’autre distribution.
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