[Interview] Archimède

Le groupe de rock français Archimède nous reçoit entre la sortie de son troisième album et le début de sa tournée à travers le pays. Passionnés et entiers, les deux frères nous racontent les secrets d’ « Arcadie » et leur plaisir à élaborer des tubes pop-rock ensoleillés et immédiats.

crédit : Sébastien Weber
crédit : Sébastien Weber
  • Vous décrivez votre musique comme de la « pop franglo-saxonne », vous pouvez nous dire ce que ça signifie pour vous ?

Nico : On a utilisé ce terme-là pour définir justement qu’on est une espèce de Shuttle entre la France et l’Angleterre. « Franglo » parce qu’on a un pied dans la pop, le continent des Bashung, Dutronc, Nino Ferrer, Renaud. Et puis l’autre pied outre-Manche parce qu’on aime aussi la pop anglaise. Donc ça définit bien ce qu’on est : des musiques d’obédience anglo-saxonne et un texte en français, qu’on essaie de soigner.

  • Justement, parlons tout de suite de « Ça fly away ». La première fois que j’ai écouté cette chanson, je me suis dis « Il y va fort ». Je voulais donc savoir qui tu visais à travers ça. Tu as une cible particulière ?

Nico : J’aime pas les attaques personnelles, donc je me garderais bien de citer un groupe. C’est plus une espèce de mouvance. On a joué aux Victoires de la Musique, et à chaque fois on était dans des catégories où les gens chantent le plus souvent en anglais. Sur toutes les scènes qu’on a faites en tournée, il y avait beaucoup de jeunes groupes en première partie qui chantaient en anglais, et on s’est dit qu’il y avait une espèce de désespérance de la langue française. C’est curieux, alors qu’il y a quand même nos illustres ainées qui ont montré qu’on pouvait bien faire sonner notre langue. Les Renaud, Dutronc, Lanzmann. Il y a une espèce de désaveux, doublé d’une certaine condescendance vis-à-vis du français, un snobisme, chez les jeunes notamment.

Fred : Un désaveu de ce qu’ils ont pu écouter, parce qu’il y a quand même un patrimoine de la chanson française, à travers Brel, Brassens, Piaf, etc. Et jamais dans leurs interviews les groupes qui chantent en anglais ne citent ce genre de référence, alors qu’évidemment ça fait partie de notre patrimoine génétique !

  • Dans ce nouvel album, il y a beaucoup de styles différents, ça peut aller de la bossa-nova au rock indé pur. J’imagine que ça a du vous saouler d’entendre tout le temps parler d’Oasis, et que pour vous, c’est un choix de vous diversifier dans ce disque ?

Fred : C’est pas lié forcément à nos influences, c’est lié aussi au fait qu’aujourd’hui il faut qu’un album soit super varié pour que tu ne t’ennuies pas. On a voulu créer cet album comme un genre de playlist que tu te fais, où il y a un morceau avec des grosses guitares électriques, comme la première chanson, « Allons enfants », des morceaux où il n’y a que des guitares acoustiques, comme « Dis le nous », parfois un peu Hawaïen avec « Toi qui peines au bureau »…
Il s’agit de créer un truc où l’auditeur ne s’ennuie pas. On a fait ce genre de prod pour qu’on puisse se dire « Tiens, c’est pas du tout ce à quoi je m’attendais ».

  • Sur la réédition du 2e album « Trafalgar », il y a une chanson en bonus track qui s’appelle « À te voir », où on retrouve une belle orchestration un peu grandiose, tout comme sur la fin de « Le grand jour », qui clôt votre nouvel album. Est-ce que c’est une piste que vous souhaiteriez explorer davantage ? Archimède qui fait du rock indé, ça a de la gueule !

Nico : On n’a pas de niche. On a écouté des trucs très spontanés comme Blur, Oasis, les Beatles… Donc on n’essaie pas de faire des mélodies alambiquées à tout prix, quand c’est efficace on trace ! On aime aussi bien chanter le bonheur, comme sur « Julia », une ballade assez simple mélodiquement, juste efficace. Et puis de temps en temps on va lorgner sur d’autres géographies.

Fred : Mais beaucoup de groupes font ça. Dans les albums des Beatles, il y avait des chansons qui étaient totalement différentes de leurs singles. On ne va pas se comparer à eux bien évidemment, mais bon, il faut des chansons qui soient plus accessibles que d’autres, c’est évident, et on se force pas à le faire, ça vient spontanément.
Mais des fois il y a des chansons comme « À te voir » où là c’est des prods un peu plus spéciales, des titres plus difficiles à envoyer aux radios, un peu spé, mais ça ne nous empêche pas de les faire et de les mettre sur des albums. Nous on est super fiers de cette chanson.

Nico : On est en fiers, mais c’est pas ce qu’on revendique en premier. Y’a pas mal de groupes comme ça qui se drapent un peu dans le côté indé, à refuser ce qui marche bien, ce qui est efficace, ce qui est facile à retenir. Nous on n’est pas comme ça, on assume nos chansons joyeuses, voir potaches. On aime bien être un peu plaisantin, on n’essaye pas de frimer avec des chansons un peu indé. Et moi, j’aime d’autant mieux qu’elles existent, un peu de côté. C’est comme des petits cadeaux aux gens qui viennent vraiment nous chercher. Mais on n’a pas vocation à en faire une grande promotion.

Fred : C’est des thèmes en plus assez touchants, assez profonds.

Nico : « À te voir », c’est sur une fille anorexique, c’est pour ça qu’en plus la prod est toute en nervosité et que ça monte crescendo. À un moment, ça vient en télescopage avec un texte qui évoque le corps.

Archimede - Arcadie

  • Est-ce que ce type de chansons justement, c’est des choses qui sont jouables en live ? Ça et également tous les morceaux où il y a toutes ces trompettes. Vous procédez comment ?

Fred : T’inquiètes !

Nico : Viens nous voir au Divan du Monde !

Fred : C’est justement l’intérêt du live. C’est de pouvoir transformer un peu les choses et de retenir l’essence d’une chanson. On peut mettre le disque et faire mine de chanter, si on veut reproduire exactement pareil. On veut surtout pas ça. Par exemple sur « Dis-le-nous », on ne peut pas avoir une fanfare de trompettes sur scène, c’est pas possible, sauf quand on aura vendu un million de disques ! Donc on aménage, on va la faire juste tous les deux avec un piano, et l’émotion va quand même être là à travers le texte et la mélodie.

Nico : Par contre pour « Le Bonheur », on gardera les trompettes ! Parce qu’on s’amuse parfois avec des samples.

  • Vous entamez donc la tournée française à partir d’octobre, on peut s’attendre à des festivals pour l’été 2015 ?

Nico : Notre tourneur y travaille et ça devrait être pas mal.

Fred : C’est prévu oui ! On devrait passer tout l’été en festival.

  • J’aimerais parler de ce que j’appelle l’Effet Archimède. J’ai un problème, c’est que si j’écoute l’un de vos albums, je vais me taper toute la semaine une demi-douzaine de vos morceaux dans la tête, ce qui fait qu’avant de mettre l’album, je dois même y réfléchir à deux voir trois fois. C’est vraiment une caractéristique de vos chansons et visiblement ça n’est pas que moi, car d’autres personnes m’ont raconté la même chose. Est-ce que c’est quelque chose qu’on vous a déjà dit ?

Nico : Oui c’est vrai y’a des gens viennent nous dire : « Vous faites chier putain, j’ai encore la chanson dans la gueule » ! Mais tant mieux !
C’est parce qu’on ne boude pas notre plaisir. Quand on trouve qu’une mélodie est efficace, on ne va pas essayer de la rendre biscornue ou alambiquée pour le plaisir. Si c’est efficace, si ça marche comme ça, on trace et on enregistre, et ça nous plait comme tel !

  • Parlons de « L’été revient ». À chaque fois que je fais écouter cette chanson, les gens l’adorent dès la première écoute. Est-ce que vous ne pensez pas que quelque part cette chanson n’a pas eu la destinée qu’elle méritait ? Cette chanson tout le monde l’aime !

Fred : Le problème justement c’est que tout le monde l’aime, mais les médias, quand ils reçoivent ça, ils ne savent pas où te ranger. Est-ce que c’est du rock, de la variét ?
Quand on ne peut pas te ranger dans niche bien spécifique, dans une case c’est assez compliqué. C’est une chanson hyper-enjouée, hyper-pop, et la pop ça peut-être pop rock, pop variét…

Nico : Mais ce qui est marrant avec cette chanson, c’est qu’elle peut par définition revenir chaque été, et souvent les radios la jouent durant cette saison. Ça pourrait être l’équivalent d’une chanson comme « L’hymne de nos campagnes » de Tryo, qui a été connue 10 ans après. Mais, tu sais, du moment où la chanson existe et qu’on en est contents…
Y’a des tas de gens qui l’aiment et on est contents de la jouer et eux sont contents de l’entendre !

crédit : Sébastien Weber
crédit : Sébastien Weber
  • Dernière question, sur indiemusic, on aime faire découvrir des choses et mettre la lumière sur des groupes montants. Est-ce que vous en avez quelques-uns à nous conseiller ?

Nico : Récemment, il y a un artiste que j’aime vachement, qui s’appelle Vianney, sur le Label Tôt ou Tard. Il a sorti un titre qui s’appelle « Je te déteste ». Il y a un beau texte, une voix intéressante et la prod est super. C’est le jeune musicien que j’irai découvrir ses prochaines semaines.

Il y a Gaël Faure aussi, qui fait de belles choses, et qui est sur notre label, on parle un peu de la famille ! On aime bien Bensé aussi. Il sort son album là, on a fait quelques dates ensemble.

Fred : il y a aussi des groupes comme Marshmallow qui méritent d’être connus. Ils ne sont pas signés sur un label, et ils chantent de la pop en français, tu dirais les Beach Boys ! Ils ont d’ailleurs fait notre première partie au Grand Rex. C’est super bien, mais ils n’ont malheureusement pas la notoriété qu’ils mériteraient d’avoir. Écoutez ça ! Marshmallow ! Et Elvis. Toujours.

« Arcadie » d’Archimède est disponible depuis le 16 juin 2014 chez Jive Epic.
En concert au Divan du Monde le 6 novembre, puis en tournée dans toute la France.


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Sébastien Weber

chroniqueur attaché aux lives comme aux disques d'exception