Arcade Fire – Reflektor

C’est un raz-de-marée de critiques dithyrambiques qui a salué la sortie de Reflektor, encensé souvent comme le d’ores et déjà album de la décennie – de toute façon moribonde – ou encore comme le sommet de la discographie du groupe.

pochette de Reflektor d'Arcade Fire

Mais de telles déclarations d’amour semblent étonnantes tant une telle œuvre est complexe à appréhender et à apprécier. Mais pas de demi-mesure, avec les Canadiens. Il est vrai qu’Arcade Fire a la caractéristique rare d’être à la fois une machine de guerre ET de bon goût, mais semble sur le coup, bénéficier avant tout de son statut d’intouchable.

Arcade Fire a toujours proposé sur chacun de ses disques une nouvelle tendance. Après un second album aux sonorités beaucoup plus sombres,  The Suburbs, leur troisième effort flirtait lui avec le mainstream, tout en proposant un songwriting de qualité.

De façon opportuniste, tel U2 à l’époque de l’album Pop dans les 90s, Arcade Fire choisit aujourd’hui de tendre vers des sons beaucoup plus électroniques, sous l’égide de James Murphy, cerveau de LCD Soundsystem. Plus que ça, un disco chic dans l’air du temps. Mais faut-il vraiment que tous les groupes soient dans l’air du temps ? Avec cette envie de faire bouger les popotins ? Ne pouvait-on pas garder l’un de ceux qui faisaient un des rock choral les plus beaux ayant jamais existé ?
On a ainsi le sentiment qu’Arcade Fire vient trainer ses guêtres à un endroit qui n’est pas forcément sa place, où d’autres groupes font déjà la même chose en tout aussi bien.

Mais le problème majeur est avant tout que Reflektor est un album d’une rare prétention. Qu’on ne s’y trompe pas, la prétention n’est pas un forcément un vilain mot quand on parle de musique.
Un groupe peut et même doit parfois en faire preuve, s’il souhaite atteindre de nouvelles cimes ou même faire évoluer la musique en général.
Mais ici, cette prétention se caractérise surtout par une sophistication à outrance et des morceaux à la longueur criminelle. Avec 8 morceaux qui tournent autour des 6 minutes, souvent pour rien, sans offrir les aventures qu’une telle longueur semble pourtant promettre et qui tendent parfois à rendre le tout fatiguant.

Il y a évidemment de très bons moments dans ce disque tel l’efficace single-titre Reflektor. Mais que propose-t-il pendant 7 minutes 33 ? On a pu lire beaucoup de comparaison avec Paranoid Android de Radiohead. Mais là où sur 6 min 30 le mammouth du groupe d’Oxford proposait une chanson épique, passant par une demie-douzaine de parties et autant de sentiments différents, Reflektor n’est qu’un morceau assez classique dans sa construction, mais étiré à l’infini.

Un autre exemple flagrant est « Here Comes The Night Time ». Ritournelle sympathique, mais surtout ultra répétitive pendant cinq minutes pour n’offrir qu’une minute « what the fuck » au milieu. On ne peut qu’être frustré par cette fameuse minute. Le passage dico crazy est sensé justement être fou, mais même dans ces moments-là le tout reste très, trop, maitrisé et feutré.

Au rayon des expériences sensorielles mitigées citons encore la doublette « Orpheus »/ »Eurydice », une pièce de 13 minutes tour à tour captivante et soporifique ou le tunnel « Supersymmetry », interminable loop ennuyeux de 5min51 qui se regarde le nombril. Autant d’exemples de l’auto indulgence dont Arcade Fire fait preuve par moment. La chanson aux accents reggae illustre cette envie d’en mettre trop et partout, d’aller dans tous les sens, au risque de perdre sa sève.

On l’a dit, le songwriting reste quand même ici impressionnant par moment, que ce soit dans les trop courts passages de folies pures, comme sur « Normal Person » ou la fin d’ « Eurydice ». La thématique d’amour lié à la mort contribue aussi à donner un esprit romanesque et aventureux à ce disque, qui reste une ballade sonore troublante.

Mais « Funeral » était l’un des albums majeurs de sa génération, car il venait des tripes. Sans aucun calcul, il a de plus lancé une nouvelle ère, du rock fanfare triste, émotionnel en diable, où le groupe semblait jouer sa vie à chaque chanson.
Avec cette œuvre calculée à l’extrême et parfois boursouflée, Arcade Fire signe malgré tout un bon disque, de ceux qu’on apprend à aimer, mais aussi de ceux que le snobisme dont ils font preuve peut rendre pénible. C’est cet excès de prétention qui empêche Reflektor d’être un grand disque.

Arcade Fire

« Reflektor » de Arcade Fire est disponible depuis le 28 octobre 2013 chez Barclay Universal.

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Sébastien Weber

chroniqueur attaché aux lives comme aux disques d'exception