L’illustration visuelle d’une identité trouble, volée par les images et montrant ce que chacun de nous veut voir ; avec « Filme Moi », Alice et Moi mélange non seulement les genres cinématographiques, mais nous questionne sur notre personnalité, sur ce que l’écran offre de nous, autant que sur sa limite à exprimer qui nous sommes vraiment.
Elle, c’est Alice. Face à son ordinateur, elle demande, implore, désire et attire, voulant que chaque moment de sa vie s’imprime sur pellicule et carte mémoire. Des fades pixels d’une webcam à des plans larges superbes et nocturnes, « Filme Moi » la suit, la poursuit même, selon sa volonté. Comme s’il fallait être soi à travers le regard de l’autre, via ces yeux rivés sur elle, sur ses poses lascives autant que sur les instants volés de son quotidien. Elle nous scrute, curieuse des réactions, demeurant parfois elle-même et devenant, à d’autres moments, l’actrice d’un film qui doit lui ressembler. Où est la réalité ? Où s’ancre la fiction ? Toutes ces questions demeureront sans réponse, mais nous frapperont de la plus belle et insidieuse des manières.
« Toutes ces choses dans mon âme qui s’affichent derrière l’écran, tu les vois différemment. » Confession à la fois pudique et réaliste de la limite imposée par le reflet de l’être, par le fantasme de celui ou de celle qui épie sans forcément savoir ni connaître, la chanson définit la pop à la fois ironique et cruellement vraie d’Alice et Moi. À tel point que la vue se trouble ; que le spectateur devine, derrière les traits, la démarche et la sensualité, qu’autre chose sommeille et qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Terrible vérité de l’évolution technologique et de la façon dont elle usurpe notre identité, « Filme Moi » est d’une évidence et d’une sincérité rares, Alice et Moi se mettant en scène – et en danger – à travers ses instantanés de vie magnifiquement capturés par Anna Cazenave Cambet. Troublant, attirant et d’une incroyable véracité.
