[LP] Ah! Kosmos – Bastards

Microcosme à lui seul, fait de mécanismes obscurs et d’ambiances sensuelles, « Bastards » est une belle lévitation. Ah! Kosmos définit ici l’incroyable sens du ralenti.

Ah Kosmos - Bastards

Il est surprenant et tout de même plaisant qu’un album, produit non loin de la Mer Noire, s’ouvre sur des mots prononcés dans un français impeccable. « Out/Ro/In/Growth » cite cliniquement, avec un ton étrangement ludique : « Sur les mots, l’affect indiqué ». Sur ce, on se demande où tout ça veut aller. Mais au final, après que l’album a semé piste par piste son lot de mystères, on prend conscience de ce que Ah! Kosmos veut provoquer pour notre affect : une décharge massive. Voici l’histoire d’une jeune Turque qui présente sa meute de vieux spectres patauds à d’élégants et mystérieux neutrons. C’est extrêmement beau à contempler.

Il est encore plus délicieux de voir une femme derrière ses pads. Non sans sexisme ou pur machisme, je dis qu’il est juste rare d’admirer dans ce milieu électro trop masculin un brin de féminité, bien décidé à éradiquer la moindre testostérone. C’est de là que vient toute la sensibilité de « Bastards », de cette mécanique douce et sensuelle qui régit les huit titres de l’album. Bien que l’ambiance soit profondément sombre, la manière dont les sons se meuvent pourrait appartenir au côté langoureux de Portishead ou encore de Hooverphonic (mais en plus corsé). Le rythme aguicheur des pistes, en particulier sur « Home » et « Stay », vient appuyer ce sentiment. D’autres signes vont égayer l’éclectisme de l’album, comme dans « And Finally We’re Glacier » qui honore le post-rock et le rock progressif, et « Trace of Waterfalls » qui se lance dans une chute vertigineuse, entre coma et hallucination. L’album définit toute la richesse du downtempo : le sens du ralenti. Une richesse qui, dès lors que nous sommes plongés dans l’écoute, nous permet d’être transis et attachés à l’incroyable répétition du rythme.

Jamais ennuyeux, ni trop long, ni trop lourd (souvent la bête noire de beaucoup de projets du genre), « Bastards » est soumis à une belle identité, fraîche et ô combien intéressante parmi les essais ratés d’aujourd’hui. Il est bien connu que la veine du numérique est en passe de devenir la solution numéro un pour cacher la moindre imperfection ou pour faire bouger x culs de jeunettes en transe. Mais quand l’intelligence et la maîtrise sont là, aucune inquiétude à avoir. À Istanbul ou ailleurs, Başak Günak peut se proclamer reine des reines. Je serai son premier sujet.

crédit : Ali Guler
crédit : Ali Guler

« Bastards » de Ah! Kosmos, disponible depuis le 24 avril chez Denovali.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante