[LP] Agent Fresco – Destrier

Prendre le temps de perfectionner son album est toujours une bonne idée et les Islandais d’Agent Fresco en sont la preuve vivante. Après cinq ans d’attente, ils nous livrent un deuxième opus, « Destrier », qui va piocher dans tout l’éclectisme musical pour former un rock progressif transcendant et chargé en émotions.

Agent Fresco - Destrier

La première chose qui frappe lors de la première écoute est la diversité musicale présente dans « Destrier ». Si l’influence de figures du rock progressif comme Steven Wilson est définitivement présente, les barrières du genre sont systématiquement repoussées par le quatuor qui n’hésite pas à emprunter des éléments de post-rock, d’ambient et même de pop pour bâtir ses compositions. Le groupe de Reykjavík ne se perd pas pour autant dans la diversité, ses ambiances sont uniques et personnelles et puise uniquement de quoi enrichir et bouleverser le paysage sonore qui s’y développe. Bien que plutôt long, l’aventure musicale est faite pour être écoutée d’une traite, s’ouvrant et se refermant avec le même son légèrement dissonant ; et on est trop charmé, émerveillé pour ne serait-ce que penser à faire une pause.

L’instrumentation y est extrêmement complexe. Cependant tous les rythmes syncopés, changements de tempo et autres harmonisations typiques du rock progressif ne font que mettre en valeur la dimension mélodique qui rend l’album envoûtant dès la première écoute. Des chansons comme « Dark Water » ou « See Hell » alternent sans cesse entre riffs énervés et précis de guitare et des lignes de pianos douces, éthérées qui donnent l’impression de voler au-dessus d’un paysage enneigé d’Islande. Cette sensation est accentuée par la voix angélique du chanteur, à la façon d’un Maynard James Keenan au sein d’A Perfect Circle, qui, bien que peut être un peu trop mielleuse et répétitive par moment, s’inscrit parfaitement dans la lignée mélodique du projet islandais ; tantôt d’une façon extrêmement intense comme dans « Howl » où la voix semble prendre son envol, tantôt d’une façon intime et délicate comme dans « Let Fall The Curtain » où seuls un piano et une ambiance sonore de fond digne d’un Brian Eno l’accompagnent. Le thème de l’album est aussi très personnel, car le chanteur se base sur le deuil de son père (relaté dans « A Long Time Listening ») pour parler de son rétablissement après un choc physique et mental. Tout au long de « Destrier », on se fait donc agréablement porter sur un courant mélodique enivrant intarissablement nuancé par les arrangements entre les nombreux instruments, la voix du chanteur et l’unité qui se forme dans le tout.

Les nombreuses couches mélodiques créent ainsi une sensation de beauté sans cesse renouvelée où les émotions pourraient voyager sans aucune barrière à travers un paysage polymorphe. La production est parfaite, car elle allie et répartit tous ces sons, toutes ces couches mélodiques et rythmiques de façon à créer un univers dans lequel on peut s’engouffrer totalement et se blottir. Ce n’est cependant pas une aventure de tout repos, car on se trouve des fois à vouloir danser, comme sur une chanson comme « Wait For Me » avec la voix très pop et un riff de rock des plus purs qui pourrait se trouver sur « Origin Of Symmetry » de Muse, et d’autres à se laisser porter par la violence de « Angst » où le piano file à toute allure avant de laisser sa place à quelques secondes de metal industriel qui laisse sans voix. L’ingénieur du son a eu la bonne idée de ne pas tomber dans le piège de beaucoup d’albums de rock progressif récents et a laissé de côté l’aspect propre et précis de l’enregistrement pour se tourner vers l’expérimentation et n’hésite pas à utiliser des distorsions destructrices et des éléments acoustiques.

crédit : Magnus Andersen
crédit : Magnus Andersen

« Destrier » est en tout état de cause un chef d’œuvre à tout point de vue, car il présente des dizaines de façons de l’approcher, de l’écouter, bref de l’apprécier. Chaque note, chaque seconde ont été mûrement réfléchies et participent à la construction de ce grand et magnifique voyage musical.

« Destrier » de Agent Fresco est disponible depuis le 7 août 2015 chez Record Records.


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Noé Vaccari

Étudiant passionné par le post-punk et la musique alternative en général