[EP] Livia – Le blaireau riche

Imaginez une créature à la fois discrète et observant les relations entre les individus pour s’en imprégner et vivre leurs histoires, afin de mieux raconter la sienne. Des gestes, des attitudes, des comportements qui éclatent sous la plume de Livia sur ce premier EP aux atmosphères mélodiques inoffensives, mais à l’admirable acuité poétique et humaine.

C’est un fait : on donnerait le bon Dieu sans confession à Livia. Et pour cause ; ce petit bout de femme, à la fois timide et aux yeux pétillants, séduit dès qu’elle nous regarde, même par écran interposé. Il n’en fallait donc pas plus pour éveiller notre curiosité. Cela dit, avec « Le blaireau riche », la beauté prend un sacré coup dans l’aile ; notamment celle, radieuse dans les tabloïds et autres journaux dont le papier glacé se couvre souvent d’images aussi splendides que fausses. Car Livia est là pour égratigner les apparences ; mais elle le fait avec autant de conviction que de tendresse, grâce à des textes d’une vérité profonde et intime et des instrumentations appelant autant le populaire que l’art de l’arrangement. Des comptines aigres-douces qui démangent et caressent, avant de mieux nous prendre dans leurs filets.

Ainsi, si l’homme est un loup pour l’homme, Livia est la louve qui protège son territoire tout en se servant de la crédulité masculine pour parvenir à ses fins. Du moins, c’est ce qui ressort de « Le blaireau riche », ode à l’abus de confiance qui passe sans aucun accroc, avec autant de justesse que de crédibilité. Et, même en étant de sexe masculin, une évidence nous vient immédiatement à l’esprit : « Bien fait pour eux ! » Mais résumer le langage si particulier de l’artiste à ce règlement de comptes serait trop réducteur ; en effet, la douceur de « La mastication » s’amuse de la conception et du rapport amoureux en en pointant le ridicule, sans pour autant le mépriser, notamment grâce aux superbes sonorités de chœurs et de clochettes qui font immédiatement penser à une danse acrobatique certes périlleuse, mais terriblement aguicheuse. Et c’est ainsi qu’il convient de remercier notre nouvelle observatrice des détails assassins ; surtout quand elle met en avant la beauté intérieure d’où émerge la passion sur « Même si » et « Bah t’es pas beau », aveux d’un désir que l’aspect et la perfection des traits ne résument en rien. L’imaginaire se met alors au service du mystère, notamment dans le poignant « L’histoire de », conte magique et cruel sur la solitude et la peur du dehors. Mais elle nous rassure, nous saisit et se conjugue avec nos émotions, comme lorsqu’elle évoque les simples plaisirs d’une vie trop tôt brisée par le départ de l’être aimé et rendue impossible du fait d’une cruelle séparation (« Papa »), ou le regret d’un baiser pourtant parfait (« J’aurais presque préféré »). Une ambivalence des mots et des effets du quotidien sur la psyché d’une réelle auteure, pour laquelle chaque substantif a son importance, dans ses sonorités autant que dans ses définitions.

Évoluant sur un fil ténu et sans aucune attache, Livia est la funambule qui fascine et étreint, murmurant ses anecdotes et ressentis sans aucun scrupule, mais avec une déférence et une dévotion de tous les instants. « Le blaireau riche » est une errance existentielle entre humour, dérision et sagesse ; de celles qui nous troublent puis nous réconcilient avec nos forces et nos faiblesses, tout en simplifiant notre regard sur les êtres que nous côtoyons chaque jour, amis ou amants. Une fantaisie émotionnelle inoubliable et salutaire.

« Le blaireau riche » de Livia est disponible depuis le 30 novembre 2017.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.