[Live] Les 20 ans de La Nuit de l’Erdre à Stereolux

Soirée à géométrie variable pour l’anniversaire du festival qui a beaucoup grandi au cours de ses éditions de plus en plus imposantes. L’événement a été fêté dignement entre pulsations swing, pompe manouche, loops électro et riffs incendiaires.

Dätcha Mandala – crédit : Fred Lombard

La soirée commence à l’envers. En effet, Douchka lance les festivités avec un DJ set bien calibré qui oscille entre samples de rap étiqueté boom-bap et sonorités electro-pop. L’ensemble aurait été probablement plus percutant à l‘issue de cette course de six concerts, mais on se laisse facilement convaincre par cette mise en bouche. Douchka ne mise pas sur la facilité et opte pour la rupture quand la machine s’emballe après moult ascensions dans la tension et les beats. C’est d’autant plus convaincant que les morceaux gagnent significativement en ampleur en comparaison avec l’EP « Infantile » sorti en avril 2017.

Bienvenue dans le repaire des gangsters élégants qu’on imagine sulfateuses au poing, adossés contre une traction avant rutilante. Lyre Le Temps kidnappe le public dès l’intro(intrusion) à base de scratchs malins et de roulements puissants sur les toms annonçant la déflagration et ordonne à tous de lever les mains en l’air en cadence de la rythmique implacable qui sévit. La contrebasse est empoignée façon rockabilly et le swing sort boosté de sa rencontre avec l’électro tendance « disco-rock ». Il aura fallu près d’un siècle pour que ce genre suranné s’empare de BPM et le public salue l’osmose et s’agite très vite après seulement quelques mesures. Le ska et le hip-hop se mêlent à la danse et tout le monde applaudit et bondit.

À les entendre, les vraies vedettes de la soirée, c’était Chanson d’Occasion. Fausse modestie et récits de concerts passés dans des salles « toujours plus grandes », le 36e degré a eu la part belle tout au long de cette heure de spectacle qui aura déridé le public nombreux poussé par la curiosité vers la salle Micro de Stereolux. En guise d’hommage à France Gall, le trio entame le set avec « Résiste » et c’est aussi l’esprit de Django Reinhardt qui vient sur scène, car c’est à grand coup de pompe (oui, au singulier) que les deux guitaristes revisitent les standards de la radio FM, aidé par leur compère Manolo à la contrebasse. Tous trois vêtus de complets vestons jaunes (sic), les aimables lascars jouent le retro aussi bien au niveau des titres que du décor. Vestiges des 80’s et 90’s habitent la scène pendant que des clips et feuilletons old-school défilent sur un poste de télé aussi antique. Pour qui aime l’absurde, les intermèdes sont hilarants et assurent le lien entre des relectures improbables sur le papier (NTM, Niagara, etc.), mais à l’efficacité approuvée.

Ne rien attendre d’un concert. Voici le précepte auquel on pense en sortant de la salle où officie Mai Lan et ses acolytes aux claviers, machines et percussions. L’écoute enthousiaste d’« Autopilote », album tout juste sorti, nous avait mis les sens en éveil et l’on espérait une explosion de bulles colorées electro-pop et un électroencéphalogramme aux courbes faisant le grand 8. Las ! On espère être davantage convaincu à l’occasion d’une prochaine date.

Bourdon et volutes d’encens. Qu’on ne se méprenne pourtant pas, le concert qui va suivre ne se fera pas en position du lotus au son du bol tibétain. Le power trio bordelais Dätcha Mandala s’installe et lance aussitôt l’hypnotique « Have You Seen the Light », invitation au Nirvana dont le break cathartique se fait à grands coups de courses sur les fûts et entrelacs d’accords guitare-basse à la précision implacable. Le groupe se taille la part du lion dans la soirée avec une durée de set de près d’une heure permettant d’étirer les morceaux figurant sur le premier album « Rokh » sorti en novembre 2017. D’une qualité de production de haut niveau, la captation en analogique fait honneur à la débauche d’énergie enthousiaste dont fait preuve le trio sur scène. La spontanéité reste de prime et la salle comble se laisse emporter dans ce tourbillon de heavy blues.

Les trois musiciens amènent le public avec eux sur le sentier de la guerre en invoquant les figures tutélaires du rock’n’roll qui ont sorti de la lave des riffs toujours aussi puissants malgré des décennies au compteur. Pour autant, Dätcha Mandala ne donne pas dans le revival et célèbre plutôt le rock en ce qu’il a d’universel, salvateur et atemporel. L’ambiance est moite, les musiciens aussi heureux et survoltés que le sont les spectateurs. Une baguette vole en éclat, les cordes sont mises à mal, mais au milieu de la bourrasque, des titres tentent temporairement de calmer les esprits notamment le très harmonieux « Carry On » qui fait se gorger de soleil la salle plongée pourtant dans l’obscurité. L’accalmie est de courte durée, car de nouveau les cymbales sont martelées, les aigus se font à nouveau stridents et les riffs s’éloignent du blues pour véritablement montrer les crocs. « Rokh » est défendu avec joie et frénésie (« Uncommon Travel ») et les autres titres présents sur la setlist nous séduisent tout autant. Le concert se termine dans un vacarme assourdissant et les tympans à peine remis de cette célébration enfiévrée du rock, on note déjà dans nos agendas la date du 7 avril pour retrouver les gars sur la scène du Ferrailleur.

Les sept membres de Dirty South Crew propulsent sans mal leur énergie dans la salle pour cet ultime concert de la soirée. Le public est toujours présent. Les performeurs s’avancent en bord de scène pour appuyer leur harangue. Deux MCs y vont de leurs flows tantôt rap tantôt ragga et renvoient la balle à une chanteuse à la répartie RnB. Tout s’anime en 24 images par seconde et c’est la course sous les projecteurs. Relégués en arrière-plan, batteur, guitariste et bassiste assurent la rythmique tandis que la violoniste assène des coups d’archet vengeurs. Odes au cross-over entre les genres, les morceaux envoient une bonne dose d’énergie dans les rangs qui s’agitent bel et bien.

La Nuit de l’Erdre aura fêté comme il se doit ses 20 ans, prémices du grand format estival avec Alt-J, Justice ou encore The Hives attendus les 29 et 30 juin et le 1er juillet. La party a provoqué pas mal de déhanchements, de mains en l’air, d’éclats de rires et surtout beaucoup d’applaudissements et de cris. Longue vie à cet heureux festival !


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Olivier Roussel

Olivier Roussel

Accro à toutes les musiques. Son credo : s’autoriser toutes les contradictions en la matière.