[LP] Jen Gloeckner – Vine

Cultivant le mystère autour de sa personnalité pour mieux la révéler à travers sa musique, Jen Gloeckner signe, avec « Vine », un disque à la mélancolie omniprésente mais sur laquelle la voix de la compositrice et son talent de créatrice font des merveilles et illuminent les paysages glacés et désertiques qu’elle parcourt au fil de pistes sublimes.

De l’Américaine Jen Gloeckner, on sait peu de choses ; et, finalement, n’est-ce pas ce qu’il y a de mieux ? Apparue sur le circuit musical en 2004 avec « Miles Away », premier effort entièrement enregistré chez elle et par ses propres moyens, elle connaît, au fil des ans, une renommée grandissante qui se concrétisera six ans plus tard avec le conceptuel et audacieux « Jen Gloeckner’s Mouth of Mars ». Deux albums que tout oppose, sauf un élément principal : l’artiste se présente, dans ses chansons et instrumentaux, telle qu’elle est vraiment, sans favoriser une quelconque notoriété axée sur les travers d’une existence que l’on préfère nettement imaginer et explorer grâce à ses œuvres. Et c’est ce qu’elle nous invite à faire avec « Vine », troisième opus magnifique et éthéré, où l’étrangeté se mêle à la splendeur sans prévenir, nous enveloppant dans un cocon harmonique confortable et rassurant pour mieux nous enlacer, nous embrasser, nous séduire et nous bercer. Les climats changent, se suivent sans jamais se ressembler, osent toutes les dérives anticycloniques et dépressionnaires possibles. Une expérience majestueuse autant qu’intime, que l’on éprouve plutôt que de simplement l’écouter.

« Vine » mue, change de peaux et d’aspects au fur et à mesure de son évolution. De la poésie électronique délicate du titre éponyme à la clarté éblouissante de « Counting Sheep », Jen Gloeckner métamorphose chacune de ses créatures sonores en êtres venus d’un ailleurs qui nous obsède au lieu de nous effrayer. La violence sous-jacente et tribale du phénoménal « Firefly (War Dance) » transcende les limites d’une production pourtant sobre dans ses atours et arrangements, comme le démontre le blues troublant de « Blowing Through ». Mais là où la musicienne parvient à nous atteindre en plein cœur, c’est bel et bien à travers des fulgurances mélodiques entre onirisme et puissance émotionnelle, dans des chœurs d’une majesté et d’une force incomparables et lacrymales (inoubliable « Ginger Ale », où les voix et les cordes s’entremêlent dans un ballet magique et éblouissant). Les saturations obsédantes de « Prayers » nous immergent et nous éprouvent, sentimentalement et corporellement, mettant tous nos sens en éveil et affûtant notre perception d’un réel dont les formes se dissolvent sous nos yeux, surprennent dans la conjonction chorale de « Row With the Flow » avant de nous convier à une ultime danse du feu et de la nuit grâce au final et ouvert « Sold ». Tant de possibilités et de lieux visités, de personnages imaginaires rencontrés et avec lesquels Jen Gloeckner partage ses histoires, ses moments de vie, ses épreuves.

Errance mémorable sur des landes battues par les éléments, sur des plages et des océans de solitude et d’introspection, « Vine » marque l’auditeur jusqu’à le rendre fou, passionné et possédé. Les frontières du réel et du rêve se confondent, se caressent, se sourient et s’épousent dans une collection de pièces musicales sensationnelles (dans tous les sens du terme), audacieuses et irréelles. Jen Gloeckner nous invite à plonger, toujours plus profondément, dans des abysses où mille phosphorescences s’admirent et se respectent, entre fragilité et sensualité. Un album marquant, un baptême immaculé et évanescent plutôt qu’une simple écoute.

« Vine » de Jen Gloeckner est disponible depuis le 14 avril 2017 chez Spinning Head Records.


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Raphaël Duprez

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