[LP] Isaac Delusion – Rust & Gold

Microqlima, le label au nom météorologique, ne pouvait que dévoiler, en ce printemps ensoleillé, un projet aux contours estivaux. « Rust & Gold », deuxième long format d’Isaac Delusion, est celui-ci. Trois ans après leur album éponyme, les princes français de la dream pop voyageuse et étirable à l’infini reviennent avec douze titres. Mi rouille, mi or, mais entièrement délicieux.

crédit : John Karborn

Trois ans, c’est long. Trois ans, c’est le temps de la prise de recul, de la réflexion et du recommencement. En 2014, le premier disque d’Isaac Delusion s’est concrétisé par une belle tournée, remplissant notamment le Trianon et l’Olympia. Depuis, les garçons de la dream pop française semblent avoir mis les voiles. Les boussoles ont tourné. Les points cardinaux ont vibré. Isaac Delusion est devenu un quintet, bien que toujours cristallisé autour du duo originel, et a changé de label, toujours indépendants, passant de Cracki Record à Microqlima. Et, dans ces changements de cap, que reste-t-il de sa musique ?

crédit : P.E. Testard

Les vagues vaporeuses et les nuits calmes de son premier enregistrement semblent être revenues sur Terre. Ici, avec « Rust & Gold », Isaac Delusion déplace les contes aériens vers des productions plus agitées, plus impétueuses. Un nouveau pavillon bat dans le vent. « Rust & Gold ». Deux états. Deux couleurs. Deux réactions au temps. Ce soir, serons-nous rois de ce monde ? Ou alors, notre temps sera-t-il révolu ? Par une production enivrante et pêchue, riches de guitares, claviers et batterie, le projet parisien questionne incontestablement notre rapport au temps : celui qu’on a laissé passer et celui qu’il nous reste à prendre. Celui qui nous pèse et celui qui nous libère. Alors, l’album peut s’envisager comme une chance à saisir, une chance de partir, tant la liberté et l’opportunité se ressentent à chaque vibration suave, dansante ou même vertigineuse. « Rust & Gold » et enfin échapper à l’étau ?

Influencé par les voyages et les contrées parcourues, il construit son album tel un espace-temps, aux nombreux horizons réels ou vaporeux, connaissant un début et une fin. « Rust & Gold » a le goût des journées faussement insouciantes, où les nuages menaçant balaient un ciel trop bleu. Les morceaux se donnent dans une écoute vibrante, brûlante et saisissante et paraissent nous demander : que parcourons-nous entre la chaleur du lit à l’aube et les draps froids du crépuscule nocturne ? Que parcourons-nous à l’heure de tous les possibles ?

« Isabella » ouvre tendrement, et pourtant cruellement, « Rust & Gold ». Mis en images par Nadia Lee Cohen, à Los Angeles, le titre propose une réflexion sur le corps féminin, entre force et fragilité, à travers un tempo marqué par l’éveil, où la voix de Loïc se fait feutrée. Peu à peu, au fils des morceaux, au son d’Isaac Delusion, notre corps semble retrouver les sens comme notre peau retrouve la sensation au réveil. « Voyager » est alors l’instant du grand départ, si ce n’est de la fuite en avant. Viendra un voyage pour d’autres galaxies, sans gravité et où les corps ne sont maintenus que par l’ensorcelante production musicale. La voix deviendra le chant des sirènes jusqu’à mener le capitaine à sa perte. Tourbillon jouissif et cosmique. Tourbillon effervescent et dangereux. Au rythme plus marqué et conquérant, « Cajun » est les incantations françaises évoque à lui seul toute l’ingéniosité de l’album : ne jamais se contenter de l’établi. Le titre navigue alors sur une vague entêtante et dansante, pour s’échouer sur une plage de mélancolie avant de se faire happer par un frais tsunami. Un peu à cette image, « Take The Crown » a des allures de messager : titre émancipateur, où se mélangent douleur et victoire ; où se mélangent chant lancé à l’espace et ronronnant groove.

crédit : P.E. Testard

Par douze morceaux, Isaac Delusion pose un regard qui cherche l’ailleurs, qui suppose le grand saut, qui invoque le courage et le lâcher prise. « Rust & Gold », comme un nouveau départ nécessaire.

« Rust & Gold » d’Isaac Delusion, sortie le 7 avril 2017 chez Microqlima.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes