[LP] Heat – Overnight

Avec « Overnight », les Montréalais de Heat délivrent un rock mélodique sec et âpre, porté par des envolées guitaristiques évasives qui sont autant de feux d’artifice que de passages secrets vers une myriade d’univers tous plus brillants les uns que les autres. Ne se contentant pas de réciter sa leçon musicale comme d’autres auraient pu s’y risquer, le projet parvient, de ce fait, à rendre ses créations aussi captivantes que malignes et obsédantes.

On ne compte plus les entités artistiques se revendiquant de la grande période rock britannique de la première moitié des années 1980. Il suffit de regarder comment tant de groupes ont remis le genre au goût du jour, comme Interpol et Editors à leurs débuts, pour se convaincre que la génération dans laquelle nous vivons cherche irrémédiablement ce désir constant de noirceur et de lumière conjuguées, pour exploser et laisser la psyché parler, voire hurler. Des rythmes lourds, des guitares occupant une large partie de l’espace ; la recette est connue, mais il arrive parfois qu’elle trouve un supplément d’âme plus que bienvenu. Ainsi, le nouvel album de Heat, « Overnight », semble plonger l’art sombre dans un bain de jouvence salvateur, lui offrant une ouverture plus pop et, ainsi, facilement identifiable car totalement originale. Le disque s’écoute tout seul, sans jamais oublier de nous emporter sur les terres cendreuses d’un spleen tour-à-tour féroce et tendre.

Le sujet est d’ores et déjà porté aux nues grâce au fulgurant et envoûtant « City Limits », qui trouvera son pendant mélancolique et chargé d’affects grâce au magnifique « Lush », pleinement ancré dans des influences qui n’avaient plus sonné de manière aussi juste depuis longtemps. On passe alors d’un sourire figé mais incontrôlable (« The Unknown ») à une peine beaucoup plus difficile à porter (« Cold Hard Morning Light », « Chains »). S’offrant paradoxalement des respirations inattendues en expérimentant aussi bien la présence d’une voix hypnotique en français, dialoguant avec des chœurs et six cordes vaporeux (« Rose De Lima »), qu’en démontrant une complète liberté d’énergie s’exprimant de façon beaucoup plus radicale (« Still, Soft »), le trio contrôle ses dérapages et transforme ses guitares en armes harmoniques de destruction massive à travers des riffs aussi efficaces que redoutables (« Sometimes », « Long Time Coming »). De véritables tours de manège désenchanté.

Sur ces tapis hérissés de clous mais que l’on aime à frotter contre nos dos endoloris pour mieux en sentir la brûlure, la voix de Susil Sharma, grave et affirmée, vient parfois regarder au bord du gouffre, sans pour autant y plonger tête baissée. Sur le fil du rasoir, elle s’écoule et s’immisce dans nos esprits, grisâtre et enfumée, mais avec une lucidité et une force d’évocation hors du commun. L’addition de tous ces éléments en apparence évidents mais rarement mis en relation fait de « Overnight » un album impeccable, produit à la perfection et laissant libre cours à notre imagination et à nos fantasmes, tout en étant abordable par le plus grand nombre. Certains le jugeront sûrement trop inoffensif ; ce qui serait dommage car, en y regardant de plus près, ses aspérités et aiguilles sont bel et bien là, prêtes à nous entailler l’âme et les chairs. Noir et incandescent.

« Overnight » de Heat est disponible depuis le 20 janvier 2017 chez Topshelf Records / The Hand Recordings / Rallye Label.


Retrouvez Heat sur :
Site officielFacebookTwitterBandcamp

Photo of author

Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.