[Live] Weyes Blood à l’Espace B

Auteure d’un des plus beaux disques de l’année, nous ne voulions surtout pas manquer le retour Weyes Blood en France à l’occasion d’une date unique dans la capitale. La prêtresse folk version paillettes et psyché a en effet pris ses quartiers à l’Espace B le temps d’un soir, afin de jeter ses sorts envoûtants avec une classe et un lyrisme saisissant.

crédit : Jean-Marc Ferré
crédit : Jean-Marc Ferré

C’est un Espace B plus que saturé qui a accueilli Natalie Mering lundi à 21 novembre à Paris. Pas un seul billet n’est à vendre au guichet à l’ouverture, et une fois la porte franchie au bout de l’étroit couloir au fond du restaurant, il fallait jouer des coudes et des épaules pour se faire une petite place au milieu de la masse de spectateurs présente entre la scène et le bar. La preuve que l’Américaine qui se produit sous le nom de Weyes Blood a pris une nouvelle dimension cette année avec son deuxième disque sorti chez Mexican Summer « Front Row Seat To Earth », et qu’elle pourra viser sans problème une jauge plus ambitieuse quand elle reviendra dans la capitale l’année prochaine.

Avant son arrivée sur scène, la salle du 19e arrondissement a déjà été chauffée par Laure Briard, Toulousaine et comédienne de formation reconvertie à la chanson française aux côtés de Julien Barbagallo (Tame Impala, Aquaserge). Depuis, elle la Française a sorti deux albums, dont un cette année « Sur La Piste de Danse » via Midnight Special Records et même chez les rois californiens de la cassette Burger Records. Accompagnée par une autre artiste du label, Michelle Blades, Laure Briard nous a proposé une belle introduction vers ses nouvelles compositions entre rock et musiques du monde.

Quand commence le tour de la tête d’affiche, Natalie Mering lance le set en piano-voix avec « Diary » vêtue comme sur ses derniers clips (ou sur le visuel du nouvel album), avec sa veste et son pantalon bleu ciel avec paillettes. La native de Santa Monica – qui n’était pas venue depuis un an – s’est en effet mise dans la peau d’une prêtresse folk aux inspirations 70’s pour ce nouveau projet, où elle enchaîne les prouesses vocales sur de douces ballades au piano et à la guitare. L’ancienne chanteuse d’Ariel Pink et récente collaboratrice de Drugdealer s’inscrit ainsi comme une artiste hors du temps, héritière de la scène de Laurel Canyon (elle est originaire de Santa Monica) tout en s’interrogeant sur le monde d’aujourd’hui au travers des appareils connectés et de nos écrans dans « Generation Why ». Le titre de l’album « Front Row Seat To Earth » évoque en effet l’idée d’une vie humaine transformée en pièce de théâtre dont nous serions devenus les spectateurs grâce aux progrès technologiques.

Brûlant autant que son public dans la salle bouillante à guichet fermée, l’artiste californienne retire vite sa veste avant de présenter l’essentiel de ses nouvelles compositions. Comme sur le disque, les temps forts sont « Seven Words » et « Do You Need My Love » grâce à leurs sublimes harmonies vocales et les arrangements proposés par son live-band. Seulement deux titres de son précédent long-format «The Innocents» ont été conservés sur la setlist avec « Hang On » et « Bad Magic » (ce dernier interprété en solo), comme s’il ne fallait pas sortir de l’atmosphère très marquée créée par ses récentes productions.

Entre deux titres, l’Américaine joue avec le public en enchaînant les répliques décalées, entre des blagues pas drôles dont on vous épargnera la signification (« Quelle est la différence entre une vierge et une machine à laver ? ») et des questions existentielles inutiles (« Pourquoi cet endroit ne s’appelle pas l’Espace A ? »). Elle reprend ensuite un air beaucoup plus sérieux pour continuer sa prestation minimaliste où sa voix pure à la Karen Carpenter est reine, à l’image des sublimes « Away Above » ou « Be Free », sobrement accompagnés à la guitare. Devant la fascination de son public qui applaudit intensément après chacune de ses envolées vocales, Weyes Blood prétend plusieurs fois jouer le dernier morceau avant de se résigner : « Allez finalement, je vais en faire un de plus. » La vraie fin n’interviendra qu’avec une cover (la seule du set) lorsqu’après un deuxième faux-rappel, la chanteuse de 28 ans achève sa prestation de grande classe avec « A Certain Kind » de Soft Machine.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens