[LP] The Lemon Twigs – Do Hollywood

On pourrait, à première vue, soupçonner The Lemon Twigs de n’être qu’un énième groupe qui a grandi bercé par les vinyles de leurs parents sans en tirer une matière particulièrement novatrice. C’était sans compter sur le génie et la justesse du jeu de ces deux jeunes frères, Brian et Michael d’Addario, qui livrent avec « Do Hollywood » une pop richement instrumentée et explosive. Ils construisent avec cet effort un pont résolument unique entre les classiques de la seconde moitié du XXe siècle, Beatles et Beach Boys en tête, et nos années 2000, les amenant à réaliser ce qui restera sans doute l’un des meilleurs premiers albums de l’année – voire simplement l’un des indispensables du cru 2016.

The Lemon Twigs - Do Hollywood

« Do Hollywood » était attendu de pied ferme par quiconque avait eu l’excellente idée de se pencher sur les premiers titres du duo apparus sur Internet au cours de l’été, « As Long As We’re Together » et « These Words ». La première introduction à The Lemon Twigs offerte par ces deux morceaux avait d’original qu’elle était frappée de deux sentiments antithétiques. Le premier correspondait à la reconnaissance immédiate de ce flot d’influences, presque écrasant, des années 60 et 70 absolument évident d’un bout à l’autre. Le second, de fait étrange, renvoyait à cette sensation hallucinée de pourtant n’avoir jamais rien entendu de pareil. Il y avait déjà quelque chose d’intrigant dans la synthèse entre époques proposée par ces deux frères qui parvenaient à faire sonner ces classiques comme ils ne l’avaient encore jamais fait.

« I Wanna Prove To You » fait ici office d’introduction éclatante au récit pop lo-fi que les deux multi-instrumentalistes nous présentent. Nettement bercé par les Beach Boys, le morceau témoigne déjà de la richesse de leur travail. Une base classique aux allures de surf pop se voit arrosée de chœurs, de changements mélodiques et de multiples couches instrumentales qui s’imposent au fil de l’écoute comme leurs marques de fabrique. Le procédé est souvent déroutant, chaque chanson multipliant les digressions, mais jamais la trame générale de l’album n’est perdue de vue. The Lemon Twigs font juste partie de ces artistes pouvant se permettre de glisser des cuivres dignes d’une fanfare à la fin de « Those Days Is Comin’ Soon » ou un solo de xylophone à la moitié du glam « These Words » sans paraître passer à côté de leur sujet.

En effet, à 19 et 17 ans, Brian et Michael d’Addario font déjà preuve d’une maturité musicale affûtée, mêlée à une intrépidité sans concessions qui fait leur originalité. Cette frénésie musicale aboutit dans la plupart des morceaux de l’album à un formidable éclatement structurel et mélodique, comme si plusieurs morceaux distincts avaient fusionné pour ne former plus qu’un. « Haroomata » en est sûrement l’exemple le plus frappant. Le morceau est construit autour de deux sections qui reviennent à tour de rôle : une première, où le chant prédomine, lente et doucement jouée, aboutissant à une seconde presque fracassante ; folie soudaine évoquant celle de Foxygen, dont l’une des moitiés fondatrices (Jonathan Rado) a produit l’album. Par ailleurs, il est globalement inutile et bien difficile de chercher à anticiper ces variations et échappées. La première écoute de « Do Hollywood » a la grande qualité d’être une surprise perpétuelle, dont on aimerait anticiper la direction sans jamais vraiment y parvenir.

The Lemon Twigs

Habituellement, faire de la musique un récit intrépide, doté de nuances constamment changeantes, c’est aussi prendre le risque que celui-ci s’essouffle avant son dénouement. « How Lucky I Am », ballade au piano surplombée de discrètes harmonies vocales, marque un temps d’arrêt dans l’ivresse passionnée qui avait guidé jusque-là le premier tiers de l’album. Mais, ultime plaisir, l’histoire est loin de s’arrêter là. Le format de six minutes de la fin d’album permet aux Lemon Twigs de développer des structures encore plus riches. « Frank » est sans hésitation possible l’une de leurs plus belles réalisations ; une délicate mélodie se muant en récit aux allures prog, graduellement ponctué d’envolées harmoniques exaltées et d’un chant à la sincérité renouvelée qui convainc de bout en bout.

Jusqu’au dernier écho de la glorieuse guitare de la psyché « A Great Snake », la pop aux multiples arrière-plans des frères d’Addario n’aura donc pas failli. Le pire est que cette passion pour cet album n’est même pas due à l’effet de nouveauté apporté par la première écoute. Elle dure, persiste, revient encore. « Do Hollywood » a au moins un défaut, celui de rapidement se transformer en obsession. Peut-être sera-t-il bientôt la vôtre ?

« Do Hollywood » de The Lemon Twigs est disponible depuis le 14 octobre 2016 chez 4AD.


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Cassandre Gouillaud

Étudiante, passion musique. Si jamais un soir vous me cherchez, je suis probablement du côté des salles de concert parisiennes.