[LP] Diane Birch – NOUS

Diane Birch, celle-là même qui nous a retourné le cœur en 2009 avec « Bible Belt », fait tomber son borsalino soul et jazz pour y préférer une profondeur pop toujours empreinte des résonances religieuses qui l’inspirent : « NOUS », c’est accepter de la perdre pour mieux la retrouver.

Diane Birch - NOUS

Pour ce troisième opus, pour la première fois autoproduit, Diane Birch surprend et nous montre qu’elle a mûri, sans manquer de nous rappeler que des petites parts de son Moi passé continuent encore à s’agiter en elle. C’est à la croisée des chemins qu’on la retrouve jonglant entre ses influences jazz, qui s’alanguissent à la fin des morceaux, sa virtuosité au piano, qui ponctue l’album de ses appuis, et ses amours religieux, qui filent la métaphore de leurs résonances liturgiques. Tout se bouscule dans « NOUS » autour, pourtant, d’une harmonie signifiante : celle qui fait brûler les plaies les plus récentes, celle qui brise les cœurs les plus solides. L’harmonie d’une ténébreuse tristesse qui prend la forme, chez Diane Birch, d’une voix grave et vibrante, de chœurs de gospel confortés et de saxos mélancoliques.

« NOUS », c’est une histoire à lui tout seul. Un album pensé, réfléchi et construit comme un récit. On commence avec une introduction, « Hymn for Hypatia », tout en hauteur et résonances religieuses. L’ambiance est solennelle quand on décide de pénétrer dans l’antre solide que constitue cet album aux limites claires. Un « Interlude » en son milieu, au piano s’il vous plaît, courte pause d’une minute et demie qui nous transporte dans un bar jazzy de La Nouvelle-Orléans. À l’image d’une pièce shakespearienne, après le chaos, c’est le retour au calme avec la profondeur de « Woman », qui assume avec force l’héritage d’un jazz nourri à l’hostie des plus grandes églises. C’est touchant, cette construction très précise, cet attachement à l’ordre et aux détails, à la classe d’une pièce bien dessinée et aux velours de robes bien brossées.

Car c’est bien dans le velours d’une poésie délicate qu’on se glisse avec « NOUS ». On s’enroule dans les étoffes de sa voix enveloppante, dans les rues qui s’assombrissent sur son passage, dans l’eau bénite qui porte sa triste douceur. Toutes ces essences superbes, ce sont principalement deux chansons de l’album qui les portent : « Walk on Water » et « Stand Under My Love ». « Walk on Water » est très minérale, joue sur les cuivres qui la bercent doucement et fait s’envoler les chants de Diane Birch, qui finissent par prendre la forme d’une prière singulière. Son piano rappelle une mélancolie superbe que l’on retrouve chez Woodkid, tandis que « Stand Under My Love » s’affirme par une puissance pleine. Portée par la voix sombre et vibrante de son interprète, plus grave et mystérieuse, elle redonne grâce à ses paroles de la profondeur à l’ensemble : « Somebody in the right / Somebody in the wrong / Shaking hands with a devil mind / Paying for protection but there’s none ». C’est bouleversant.

Diane Birch

Malgré un court moment de déception provoqué par la superficialité d’« How Long » et de « Kings of Queens », qui prend grossièrement les oripeaux d’une Feist mal comprise, la construction narrative et la profondeur de certains morceaux marquent des points décisifs. Un album certes moins puissant que « Bible Belt », mais dans lequel on retrouve l’alchimie parfaite entre un jazz subliminal et une musique sacrée pénétrante ; magique potion qui ne manque pas de nous enlever subrepticement à nous-mêmes.

« NOUS » de Diane Birch est disponible depuis le 31 janvier 2016.


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Julie Albesa

Étudiante en Lettres et mélomane invertébrée, je me démembre en sirotant des cocktails de mélodies éthérées, riffs échaudés et cotonnades étoffées