[EP] Leopoldine – Adieu Canopée

Leopoldine nous avait touchés, en 2013, avec un premier disque, « Music Box EP (for Satine) », articulé autour d’une structure piano/voix, baignant dans un univers électronique cotonneux. Leopoldine conjuguait le groove moite du trip-hop à une sensualité vocale évidente, le tout sous l’ombre tutélaire des grandes PJ Harvey, Beth Gibbons, Cat Power et autres Regina Spektor. 2015, et rien n’a vraiment changé : une porte s’est simplement entrouverte et Leopoldine s’est faufilée dans la brèche.

Leopoldine - Adieu Canopee

Leopoldine exprime désormais les nuances du sentiment amoureux, les variations de la passion, la dualité de la vie, en français. Elle dévoile ainsi une nouvelle facette de sa musique, à travers une écriture limpide, pleine de justesse et de retenue, à la hauteur d’un talent qui ne fait désormais plus aucun doute. L’âme de Leopoldine est une jeune femme discrète et passionnée, Pauline de son prénom. Loin d’être un voyage en solo, Leopoldine est une aventure collective, nourrie et guidée par la créativité de Pauline, sublimée par les apports de musiciens particulièrement talentueux (les fidèles de la première heure, David et Cyril, et des proches aperçus entre autres du côté de Kissinmas, de Morgane Imbeaud et du Delano Orchestra).

Il serait difficile de ne pas évoquer l’épisode du radio-crochet de France Inter en 2014, pendant lequel Leopoldine avait conquis en douceur un public très nombreux. Pauline avait même dépassé le refuge pudique de la langue anglaise pour ouvrir son chant à de nouveaux horizons. Sa reprise de « Aucun Express » de Bashung avait marqué le programme par sa sincérité et son intensité. Une superbe version studio clôt d’ailleurs « Adieu Canopée ».

« Sous l’armure » place d’entrée la barre très haut dès les premières notes de piano. L’ambiance est feutrée, les arrangements sont précis. La voix se fait complice ; elle caresse la mélodie, laisse respirer les silences. Le morceau monte lentement, soutenu par les cordes discrètes du violoncelliste, Guillaume Bongiraud. L’arrivée de la batterie emporte le morceau et annonce une fin tourbillonnante. « Happiness’s Key », placé en fin de disque, joue par effets de miroirs avec « Sous l’armure ». Les deux morceaux se complètent, se répondent. Une guitare cristalline appelle quelques notes de piano, le morceau démarre dans la langue de Molière, évolue soudainement dans celle de Shakespeare, soutenu par une rythmique puissante et un groupe à l’unisson. L’alternance fonctionne et nous raconte une histoire au-delà des mots.

L’industrie musicale entretient encore, de nos jours, des stéréotypes autour de la femme, qui laisseraient entendre que les chanteuses à voix seraient avant tout des interprètes, valorisant les talents de compositions de producteurs géniaux et inspirés. Sur « Adieu Canopée », Pauline démontre une véritable vision artistique et musicale, animée par le plaisir simple de la musique et la volonté d’expérimenter le son. La beauté de ce disque, presque trop court, repose sur la complicité palpable qui opère entre les musiciens. « Adieu Canopée » doit aussi certainement beaucoup à la capacité de Pauline à transporter ses compagnons de studio, et désormais de scène, dans son univers féminin et poétique, dont nous ne faisons, pour le moment, qu’entrevoir les contours lumineux.

Leopoldine

« Adieu Canopée » de Leopoldine est disponible depuis le 25 novembre 2015.


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Laurent Thore

Laurent Thore

La musique comme le moteur de son imaginaire, qu'elle soit maladroite ou parfaite mais surtout libre et indépendante.