Six travaux d’orfèvre qui sont autant de perles sonores, perdues entre simplicité et beauté. Gisèle Pape nous offre une collection intime et magnifique de chansons volées, à la pureté et au plaisir immédiats.
L’affirmative actuelle devient, malheureusement, une fatalité : s’exprimer en français lorsque l’on est compositeur et interprète relève d’une véritable prise de risque, voire d’une volonté inconsciente de ne pas s’accorder le rayonnement mérité en choisissant une telle voie. Constat amer, tant la langue de Molière est l’une des seules à même de laisser s’exprimer la poésie de ses géniteurs, chaque mot devenant un son, un instrument, un écrin dans lequel mille idées peuvent naître et se libérer. Gisèle Pape, avec « Oiseau », emprunte sans pudeur ce chemin, et le maîtrise à la perfection ; car ses six pièces musicales sont d’une justesse et d’une beauté incroyables, conjuguant le personnel et l’universel au travers de créations qui deviennent rapidement aussi mélodiques que picturales. Une expérimentation harmonique osée et remarquable, car humaine et profonde.
« Oiseau », le bien nommé, vole au-dessus du paysage artistique hexagonal, se posant ici et là pour se nourrir des ingrédients disséminés tout au long de sa route vers la magnificence. Des contes d’une errance entre expérimentation et passion, où les chœurs sont échevelés et se marient en totale synergie avec des nappes synthétiques superbes (Moissonner). La voix, élément central du disque, peint un décor lumineux et fascinant, devenant même hypnotique lorsqu’elle s’exprime en boucles savantes et immédiates (Sirène). Inutile d’essayer de poser des mots sur ceux que l’on écoute et dont on s’abreuve : ils sont la sève de cet EP parfois expérimental mais toujours subtil (Nuit), charriant les couleurs d’odes naturelles intenses et ésotériques (le mantra magique de « Dolls »). Gisèle Pape apporte un soin tout particulier et remarquable à ses chansons, dont le format est en constante évolution ; tant et si bien que l’on conserve, tout au long de l’écoute, cette sensation de voir une histoire défiler devant nos yeux. Des bribes existentielles qui n’appartiennent qu’à elle, quelque part entre l’introspection et l’expression d’émotions directes et sans parure inutile (Solitary Star).
Sur tous ces matelas confortables et bienveillants, le chant de Gisèle Pape nous effleure comme les gouttelettes d’une rosée bienfaitrice et délicieuse. Berçante et parfois malicieuse, elle nous parle autant qu’elle dessine le langage, source intarissable de bienfaits et d’instantanés visuels miraculeux et irréels. Artiste complète et inépuisable, elle forme devant nous des arabesques, des circonvolutions désirables et superbes, que l’on parcourt des yeux et des oreilles avec un plaisir inépuisable. L’entendre nous exposer ses histoires oniriques, c’est vouloir poser nos regards sur des formes lisses et voluptueuses, des pastels éthérées et vaporeuses. Ainsi, « Oiseau » nous convie à une ascension sensorielle inoubliable, qu’il faut partager sans hésitation.
Une œuvre qui s’observe autant qu’elle s’écoute ; Gisèle Pape signe un magnifique disque, qui s’apprivoise et se libère pour mieux nous inspirer et nous transporter vers un ailleurs, là où les rêves deviennent réalité.
« Oiseau » de Gisèle Pape est disponible depuis le 9 novembre 2015.
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