Douze titres sans aucun temps mort et à l’énergie débordante ; même s’ils n’ont pas d’argent, ces garçons ont du talent et le prouvent avec un disque excitant et électrisant.
On ressent toujours une certaine appréhension quand des artistes français décident de s’aventurer dans le blues-rock. En effet, la plupart du temps, on assiste à un copier/coller de songwriters américains : il faut « sonner comme », sans véritablement chercher sa propre identité. Ainsi, lorsqu’on lit la description du disque des Parisiens de No Money Kids, on pense qu’il va encore s’agir d’une copie sans saveur de glorieux aînés venus d’outre-Atlantique. Et on se trompe complètement. « I Don’t Trust You » n’est rien de moins qu’un album phénoménal : une heure de bonheur et de passion qui n’accorde aucun répit à l’auditeur, immédiatement pris dans les mailles du filet de cette machine que rien ne semble pouvoir arrêter. Juste le temps de s’éponger le visage avant la seconde suée. Et on y retourne immédiatement, sans pouvoir s’en empêcher.
« I Don’t Trust You » sent bon la caféine et l’adrénaline : un shoot viscéral de blues, bientôt orné d’arrangements électro discrets mais efficaces. « Vagabond Train » nous emmène sur les routes, sous un soleil écrasant qui ne laisse pourtant pas présager de la suite des événements. Car on explore toutes sortes de lieux en compagnie du duo : du funk débridé (B*tch), de la marche inexorable vers la musique des bleus à l’âme, satinée d’un rock discret mais prenant (le captivant « Rather Be The Devil », la complainte solitaire « I Don’t Trust You ») ou encore des passages apaisés qui sont autant de calme erroné avant la tempête (War, No Money Kids).
Le disque est une constante invitation au voyage, dans la poussière et la transpiration, dans la chaleur d’un désert parsemé de mirages sonores. Et, au milieu de ces fascinantes illusions, l’explosion intense de « Bullsh*t » impressionne et impose le projet comme l’un des plus intrigants et intéressants du moment. En plus d’affirmer ce que l’on soupçonnait déjà : No Money Kids sait de quoi il parle, et le démontre à la perfection. Coup d’essai, coup de maître.
Confirmant leur excellente réputation de bêtes de scène, les deux têtes pensantes de l’entité, Félix Matschulat et J.M. Pelatan, trouvent enfin le moyen d’expression qui leur manquait à travers un LP soufflant le chaud et le froid, où les mélodies s’entrelacent pour aller à l’essentiel : les passions de l’âme humaine. Ces troubles distinctifs que l’on ne peut exprimer qu’au travers d’une musique aussi spirituelle que palpable, entre sobriété et ivresse. On se surprend à être accoudé à un bar, un whisky hors d’âge à la main, noyé dans les brumes d’une fumée épaisse et de lumières crues et tamisées. Au centre, un groupe nous raconte ses histoires et anecdotes d’une vie malmenée et déjà bien remplie, ses conclusions et expériences, avec une sincérité qui ne se perd jamais dans la vulgarité. On leur paie volontiers un premier verre, puis un autre, pour les entendre jusqu’au bout de la nuit. Et même au-delà.
Attendu au tournant avec ce premier effort, No Money Kids transforme l’essai sans aucune faille ni erreur. Et « I Don’t Trust You » va nous coller à la peau pour un long, très long moment…
« I Don’t Trust You » de No Money Kids, sortie le 30 octobre 2015 chez Roy Music.
