[LP] The Last Morning Soundtrack – Promises of Pale Nights

Ample et vertigineux, le second album de The Last Morning Soundtrack déploie des nuées poétiques dont on n’arrive pas à se défaire. « Promises of Pale Nights » est un don du ciel.

The Last Morning Soundtrack - Promises of Pale Nights

La dernière bande-son du matin. L’image est claire. Nous nous voyons à l’aube, sous la froideur d’un matin d’hiver qui parsème sa lumière en patchwork sur les draps épais d’une nuit dominicale. « Promises of Pale Nights » s’enclenche par le réveil, nos yeux collent encore et se ferment dès les premières notes d’un piano à l’éveil. The Last Morning Soundtrack à la lourde tâche de prolonger nos rêves. Sylvain Texier, auteur de cette science onirique, arrive à nous ancrer cette musique céleste durant des heures et des heures, si bien qu’on a l’impression que nos journées sont des matins sans fin.

Pétri par la musique et ses vertus depuis longtemps, Sylvain raconte ses débuts : « En 2007, lorsque j’ai commencé à écrire des chansons, je n’avais pas pour ambition d’enregistrer un album, ni même de faire écouter mes morceaux. C’était pour moi une sorte de thérapie. Puis, un matin, j’ai tout de même eu l’envie de savoir ce que ces quelques titres valaient réellement. J’ai alors décidé de les poster sur internet. Le nom du projet est né ce matin-là. Le mot « Soundtrack » traînait dans ma tête depuis un moment. Il me fallait juste quelques mots poétiques pour compléter. J’y ai ajouté « The Last Morning ». Cela résumait bien l’état d’esprit dans lequel je me trouvais durant cette période de ma vie. » Il s’en suit en 2010 un premier album remarquable « A Distance, A Lack » qui libère toute la fibre folk de Sylvain. C’est trois années après que le jeune Rennais signe son contrat avec les nuages ; l’EP « Ghosts » dirige l’auteur vers des ballades plus amples et légères, nimbées de cordes frottées et grattées, toutes incroyablement caressées par cette voix si particulière.

Les choses s’amplifient. Son nom matinal déchaîne les réseaux et les plateformes et l’extension de « Ghosts » hante littéralement les esprits : « Promises of Pale Nights » est l’apologie de ses plus tendres désirs et une réponse immédiate aux pensées des autres, artistes et mélomanes. « Mes influences vont de Sufjan Stevens à Syd Matters, en passant par Chris Garneau ou encore Nils Frahm. Des artistes qui ne font donc pas que du « folk  », mais qui utilisent beaucoup d’instruments acoustiques, et qui ont une certaine science de l’arrangement. » Et pour un certain respect du silence et de l’absence. Comme dans l’actuelle mouvance expérimentale qui légitime la mutation du classique à une forme plus modérée et recherchée, « Promises of Pale Nights » scanne les arrangements et décortique l’instrument pour en sortir des sons purs, originels et sans artifices. Résultat flagrant avec l’interlude « Adrift » qui présente une autre forme de mutation majeure : le post-rock. Ce mélange pourrait être rapidement pompeux, mais l’effort de Sylvain réside dans son accessibilité et sa finesse.

Cette capacité délivre de merveilleux bijoux : les ballades éthérées « As Lonely As I Am » et « Our Wasted Sighs », la résonnance absolue du refrain d’ « Echoes of Our Days » et l’entrain de « Your Tomorrows ». Le sentiment général de l’album ne présente aucune similarité avec la gaieté. Au premier degré disons, mais Sylvain s’exprime sur le second, plus évident : « La mélancolie est un sentiment que j’aime particulièrement et que j’ai apprivoisé dès mon plus jeune âge. J’aime la musique triste, mais lumineuse ; c’est pour moi la plus évocatrice, celle qui provoque le plus d’émotions intérieures, et qui donne envie de se battre et d’avancer. Alors j’essaye de faire en sorte que ma musique aille dans ce sens. ».

crédit : Titouan Massé
crédit : Titouan Massé

L’autre versant incroyable de l’album est sa poésie dans l’écriture des textes : « J’ai accordé une attention toute particulière aux textes de ce nouvel album. J’y ai mis beaucoup de poésie, beaucoup d’images. L’amour est un sujet vaste, mais il est abordé ici d’une façon spécifique. Le disque parle de guérison. Il commence par le morceau  « As Lonely As I Am » et se termine par « Your Lights ». Il évoque le chemin que j’ai parcouru entre le premier et le deuxième album. » Un sentiment bien connu de tous, plus ou moins mis à mal, mais qui détient toute l’ardeur de l’existence. Forcément, l’affect n’est pas omis. Les onze brûlots veulent à tout prix nous secouer pour nous guérir en retour. Si proches des rêves, leurs promesses sont un fil tendu à vos plus belles nuits.

« Promises of Pale Nights » de The Last Morning Soundtrack, sortie le 9 octobre 2015 chez Rival Colonia.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante