[EP] Maïa Vidal – The Tide EP

Trois titres au bord de l’abysse mais touchant la grâce, la main tendue vers une source de lumière venue d’ailleurs. Un EP aux douces senteurs d’embruns et d’eau salée, en attendant que la marée monte et nous caresse avant de nous entraîner encore plus profondément dans l’univers de sa créatrice.

Maïa Vidal - The Tide EP

S’il ne fallait retenir qu’un adjectif pour qualifier « The Tide », nouvel EP de l’artiste franco-américaine Maïa Vidal, ce serait celui-ci : éclectique. Définissant elle-même son art comme de l’eclecto-pop, la musicienne se donne cependant le droit d’explorer son propre talent de composition, d’y instiller des éléments qui ne sont qu’à elle, tout en voyageant au gré des vagues vers des continents inconnus dont elle s’inspire sans relâche.
De ce fait, son EP est parfumé, envoûtant, car bercé d’une sagesse et d’une délicatesse qui n’appartiennent qu’à elle et qu’elle laisse transpirer de ses compositions comme la plus sucrée des sèves. On entend alors s’écouler le liquide translucide et tiède de sa voix, chaque instrument venant s’y perdre et trouver, dans cet univers suspendu et comme ralenti, une place parmi les beautés d’une civilisation à laquelle elle donne naissance, lentement et avec conviction.

Comment ne pas ressentir cette impression de mouvement à l’écoute du titre éponyme ? Des gestes sensibles, des frémissements électro subtils et merveilleux, presque en arrêt et faisant apparaître chaque détail d’un ensemble harmonique sur lequel une voix cristalline et affirmée vient se poser, s’étendre langoureusement et caresser le sable humide de l’existence ? On est immédiatement sous le charme, marqué par ces magnifiques instants suspendus, d’un autre monde. Ce que Maïa Vidal vient bouleverser avec « The Bed We Made », minutes pop électrisantes et douces, mariant à la perfection l’âme de l’instrumentation et des arrangements n’oubliant jamais d’être suaves et transcendants. On assiste à un changement de vie aussi radical que mûrement réfléchi, une révolution intérieure allant de la surprise à la certitude d’aller de l’avant et de se dévoiler, avec aplomb et intelligence ; « Bones » transperce, invite à la danse au centre d’une piste qui, petit à petit, a laissé place à des rythmes ancestraux, des invocations d’époques perdues que l’on traverse, entre admiration et émotion.

Sur ce canevas déjà parfait, les remixes proposés ici sont loin d’être inutiles. Celui d’Ozan Bozdag dépasse le cadre de la réinterprétation en offrant une vision robotique, sensuelle et savante de « The Tide », qui trouve son aboutissement dans l’énergie plus grave et posée de la relecture de Giuliano Gius Cobelli, où l’artiste est parvenu à saisir les moments de pause de la chanson originelle, allongeant des beats sobres et directs sur un lit artificiel et mécanique. « Bones », revu par William Serfass, devient quant à lui un passage dans le blues et le rêve, cachant ses détails électroniques au milieu d’esprits chamaniques, entre prière et danse invocatrice de forces supérieures. Au final, ce panel offre la quintessence de la vision musicale de Maïa Vidal ; elle dont la fragilité devient une force sur cet EP, dont la patience fait naître le respect et l’écoute attentive, nous convie à des rêveries entre charme et dévoilement de ses sentiments les plus forts. Un voyage existentiel et intimiste, là où la révélation d’un Moi qui ne demande qu’à s’exprimer prend tout son sens, aussi bien pour l’auditeur que pour la créatrice elle-même.

crédit : Roberto Silva Ortiz
crédit : Roberto Silva Ortiz

« The Tide EP » fait de Maïa Vidal la déesse de compositions éthérées et sensuelles. Elle nous entraîne au fin fond de ses courants, toujours plus profondément, vers une cité perdue que l’on admire et dans laquelle on accepte, sans résistance, de se noyer.

« The Tide EP » de Maïa Vidal, disponible le 18 mai 2015 chez Crammed Discs.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.