[LP] Michael Price – Entanglement

Une préparation de deux printemps et voici que la beauté de Michael Price supporte celle des plus grands. « Entanglement » est un album honnête et vulnérable.

Michael Price - Entanglement

Dans une salle obscure, on ne s’étonne plus d’entendre quelqu’un manger bruyamment, bouche ouverte. Que ce soit un bruit de mastication pâteux ou croustillant, nous sommes prêt à l’exaspération, traduite par des « chut » et des soupirs. Nos accoudoirs s’en souviennent encore. Aussi, nous ne sommes pas surpris d’entendre des rires et des pleurs, des baisers baveux, des ronflements de têtes qui se penchent. Parmi tous ces bruits, nous avons ceux du film, ceux de l’histoire, des personnages, de la narration ; et nous avons la reine, celle qui les borde : la musique. On n’y fait plus attention, tout ou presque. Pourtant, elle est bien là, derrière l’image et les mots. Elle fait pleurer nos yeux, fait trembler et sursauter nos corps. Elle est tout ou presque. Nous ne serons pas surpris de l’entendre.

Michael Price est l’élève de l’un de ces maîtres pour qui l’image filmique n’est pas rien. Il débute aux côtés du compositeur Michael Kamen, dont il est l’assistant pour le film de science-fiction « Event Horizon » en 1996. Une belle opportunité, puisqu’il enchaîne ensuite sur d’autres projets cinématographiques avant de se tourner vers la télévision en composant la musique de l’acclamée série Sherlock, qui donne du sang neuf aux enquêtes du célèbre détective. Mais Michael a bien plus en tête et sort chez Erased Tapes les quatre morceaux de « A Stillness », dix magnifiques minutes pour quatuor à cordes qui laissait espérer une fascinante suite.

Deux ans plus tard, l’espoir est encore debout, face au résultat. « Entanglement » se veut timide, caché sous l’amont d’influences que compte le genre. Il évite tout de même l’esbroufe et le pompeux, ou alors prouve son incompréhension de projets expérimentaux bien trop superficiels pour la moyenne. Ici, le sound design et la musique classique s’écoutent à l’unisson. Cet album dicte note à note ce que la composition peut être avec un grand C. Deux années que Michael se voue corps et âme à le prétendre et à l’examiner.
Résultat : neuf pièces immenses dont « The Attachement », qui libère le frisson de scènes mélodramatiques, « Easter » qui nous plonge dans la douceur éthérée de son accolyte Nils Frahm, et « The Uncertainty Principle », qui pourrait être un hommage à « Sarajevo » (et tant d’autres) de Max Richter, comme l’ode de chants de castras magnifiés par des combos de pianos légers et de violons acérés.

Michael explique : « « Entanglement » est une expression très personnelle de mes obsessions : la musique, l’amour, la physique et l’interconnexion des choses. Il y a de la structure et de la liberté, du contrôle et du chaos, avec la beauté d’instruments anciens opposée à d’impassibles machines. Une chose qui, j’espère, pourra créer une plus profonde connexion en ces temps superficiellement diffus. Je pense que chaque artiste se doit d’être honnête et vulnérable. » Tout est dit. Il ne reste plus qu’à subir, comme bon vous semble.

Michael Price

« Entanglement » de Michael Price, disponible le 13 avril chez Erased Tapes Records.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante