[EP] Nick Hill – Rut

Premier EP du jeune australien Nick Hill, « Rut » illustre en à peine trois titres toute l’émotion d’une âme sombre et mystérieuse, qui expie à chacun de ses mots une pulsion brûlante et authentique.

Nick Hill - Rut

Il suffit de goûter quelques secondes à « Know This » pour s’en convaincre. À peine a-t-on commencé à caresser l’écoute de la voix du mystérieux jeune homme caché sous sa capuche, qu’on se trouve prisonnier d’une diction qu’on ne peut plus arrêter, qu’on ne veut surtout pas interrompre. Ici, chaque respiration fait corps avec ces percussions métronomiques, éloignées autant que proches, jouant la carte de la discrétion pour mieux s’imposer. Comment résister à ces petits sons bricolés et réunis avec application et réserve, pour accompagner ce chant emprunt de chaleur, et de soul, finalement ?

Dans ce laboratoire d’humeurs contrariées, dans ce corridor d’émotions brumeuses, on avance à pas feutrés pour se laisser porter plus loin par ce voyage des sens, entre l’air et l’eau, dans un état d’hypnose partielle qui nous convient si bien.

Plus effacé derrière les notes capitonnées de son piano, on s’enfonce dans l’abyssal « Silk » comme dans un vieux fauteuil au cuir grignoté par les décennies. Solitaire et solennelle, chaque note du piano réveille par touches successives les voluptés chaudes et sensuelles d’un chant à la fois discret et pleinement assuré.

L’éponyme « Rut » confirme le reste. Jouant des profondeurs de l’âme, des résonances inconscientes comme autant de mystères d’une électronique en transition, expérimentale mais accessible, poétique et manipulée avec précaution. Plus loin, Nick joue avec sa voix et fait de son processus bionique une matière palpable, à la fois dans et hors du temps.

Ce qui est rare chez Nick Hill, c’est le fait qu’on ne parvienne pas à déceler en lui la moindre copie d’un autre artiste. Il y a certes des bribes de déjà entendu, qui nous ramènent parfois à James Vincent McMorrow pour l’émotion, à Chet Faker voire à James Blake pour les constructions et cheminements électroniques ou à Bernhoft pour la polyvalence et la performance vocale ; mais c’est peut-être cette sensation familière qui nous attache encore plus au projet. Cette impression unique d’avoir vécu l’écoute par le passé, jusqu’à nous poser la question inévitable : cette découverte musicale n’était-elle pas, avant même qu’on l’entreprenne, ancrée dans nos souvenirs ? Mieux encore : ce disque n’est-il pas en train de chambouler un peu plus notre propre perception de la musique ?

Nick Hill

Croisement hybride de soul et d’électronique aux constructions minimalistes, plongeant même, par moments, dans un RnB feutré et terriblement charnel, le jeune producteur de Sydney nous trouble par tant de sensibilité déployée avec finesse sur un premier effort. Rarement, on aura été à ce point bluffé par un acte de jeunesse. Une discrétion brillante.

« Rut » de Nick Hill est disponible depuis le 20 février 2015 chez Yes Please Records.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques