[LP] The Notwist – Messier Objects

Plus qu’une simple compilation de musiques illustratives, « Messier Objects » est avant tout une exploration dans la psyché folle et néanmoins attachante de The Notwist.

The Notwist - Messier Objects

On aime surtout The Notwist depuis l’excitant « Neon Golden », paru il y a déjà 13 ans. L’approche mêlant influences rock, électro et déconstruction de titres toujours plus diversifiés, bricolés puis recollés dans un maelström infaillible et sans ennui possible reste leur indémodable marque de fabrique, comme l’a prouvé leur dernier effort, « Close To The Glass », l’an dernier. Cependant, on constate également que les Allemands laissent toujours passer près d’une demie décennie en moyenne, depuis le début des années 2000, entre chaque LP. Et, même si on leur pardonne volontiers ce laps de temps difficile à supporter pour tous ceux que leur art impressionne et fascine, on est en droit de se demander – à juste titre – ce qu’ils font entre-temps, au milieu bien sûr de tournées quasiment ininterrompues. « Messier Objects » est justement là pour donner une explication apparaissant alors on ne peut plus logique : du fait de sa maîtrise des paysages sonores, le quintette a été sollicité afin de composer plusieurs illustrations musicales de productions théâtrales, cinématographiques ou radiophoniques. Et le disque, en plus d’offrir un intéressant parallèle entre leurs deux derniers albums, donne à entendre les libres expérimentations de cette entité sans nulle autre pareille.

Dans un sens, « Messier Objects » débute là où « Close To The Glass » s’était brutalement interrompu ; dans les méandres instrumentaux de débris de comètes indietronica constamment repliés sur eux-mêmes mais diablement efficaces. Ici, tout est question d’instants (les titres sont globalement courts) mais surtout d’imagination débridée, voire parfois refoulée. Que les ambiances soient sombres et presque atonales (Object 1, Object 7) ou au contraire acoustiques et jazzy (Object 4, Object 5), tout est réuni autour d’une structure mélodique entièrement remaniée et éclatée. Invitant pourtant des instruments plus organiques dans cette envie de donner plus que de simples nappes atmosphériques et artificielles à leurs créations (Object 3, Object 12), les compositeurs explorent un espace vide et pratiquement nonsensique pour tous ceux qui n’ont pas les images ou illustrations vocales et scéniques qu’ils accompagnent sous les yeux. Ce qui pourra en rebuter plus d’un : le disque a en effet un côté expérimental fortement prononcé qui peut déstabiliser et se faire s’interroger sur le bien-fondé d’une telle sortie, ce qui se conçoit sans aucune difficulté. Cela dit, mis en parallèle avec les schémas phonographiques habituels du groupe, le LP fonctionne comme la fondation parfaite des essais transformés sur format long depuis tant d’années. Ce que vient d’ailleurs démontrer « Das Spiel is aus », moment intime et mélodique de douze minutes dont le style, reconnaissable entre tous, nous prouve à qui on a à faire et qui, placé en avant-dernière position parmi ces 17 objets non identifiés, donne à envisager une relecture des épisodes précédents, tout en rejoignant la performance émotionnelle intense qu’était la bande-son du film « Lichter », sorti en 2003.

Ces « Messier Objects », donc, sont autant d’astres intangibles mais provoquant alors l’imagination de chacun d’entre nous. Inspiré par les découvertes de l’astronome français du XVIIIe siècle Charles Messier, The Notwist livre à son tour une collection de comètes flamboyantes, de trous noirs dans leur paysage créatif. D’où cette sensation, comme pour le scientifique cité plus haut, de tenir entre ses mains un catalogue surnaturel d’objets pourtant concrets mais recelant une part de mystère toujours plus intense ; comme ces étoiles filantes qu’on observe en s’interrogeant sur leur origine, leur distance, leur composition. Ce qui fait l’intérêt d’une telle collection, c’est effectivement ce besoin, pour toute personne fascinée par le travail habituel du groupe, de voir ce qui se passe dans leur univers, se qui se cache derrières des apparences déjà complexes. À ce titre, l’album nous laisse tourner des pages montrant des constellations infinies sous tous les angles, aigus et obtus, mystérieux et intrigants. Nul doute que beaucoup abandonneront en cours de route ; ce qui serait dommage, tant le disque démontre une nouvelle fois le potentiel hors-norme de ces explorateurs inépuisables du son.

crédit : Joerg Koopmann
crédit : Joerg Koopmann

« Messier Objects » est un OVNI dans le ciel souvent lisse de la musique ambient et électronique ; mais qui contient autant de passion que de réflexion, si l’on accepte de lui accorder l’immense intérêt qu’il mérite. Et qui amène à découvrir ce pour quoi il a été créé, ces œuvres inconnues qui, maintenant, n’attendent que nous pour prendre leur véritable dimension. Un bilant autant qu’une introduction.

« Messier Objects » de The Notwist, disponible le 30 janvier 2015 chez Morr Music.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.