[Interview] Joel Gion

Joel Gion, éternel trublion et élément incontournable des Brian Jonestown Massacre, a décidé d’agiter son tambourin et nos têtes avec un projet solo concrétisé par un 1er album intitulé « Apple Bonkers ». Parce que la solitude ne le sied pas et que c’est un artiste généreux, il a rameuté les Primary Colours avec lui pour graver le fruit de ses écritures, qui ne datent pas d’aujourd’hui, et est parti sur les routes pour rencontrer un public acquis à sa cause et pour débaucher de nouveaux arrivants dans l’univers du psychédélisme. À l’occasion de son passage au Festival Levitation France au Chabada à Angers le 20 septembre dernier, indiemusic est allé rencontrer celui qui traverse les années et les courants musicaux sans broncher, car pour lui Psyché rimera toujours avec OK.

crédit : Nicolas Nithart
crédit : Nicolas Nithart
  • Bonjour Joël, il y a 10 ans dans le film « DIG » (NDLR : Rockumentaire sur les Brian Jonestown Massacre et les Dandy Warhols), tu disais que tu ne serais jamais autre chose que L’Homme Tambourin. Aujourd’hui, il en est tout autrement avec ton projet avec les Primary Colours. Peut-on dire que c’est une réincarnation pour l’emblématique Mr. Tambourine Man ?

Monsieur Tambourin est toujours bien vivant, et le sera aussi longtemps qu’Anton (NDLR : Leader des BJM) et moi-même décidons qu’il le soit. J’aime sa musique, que je respecte énormément et c’est un ami très cher. Bon, maintenant, j’ai mon propre disque et mon propre univers ce qui n’est pas incompatible.

  • Ne crains-tu pas que, eu égard à ta longue implication et ton étroite relation avec les BJM, ton projet solo en pâtisse un peu, notamment auprès de ceux qui ne te connaissent pas ?

J’espère que les gens vont vite s’intéresser à ma musique, cela prendra peut-être un album ou deux aux gens pour comprendre que j’aime aussi écrire de belles chansons.

  • Tu as sorti ton 1er EP « Extended Play » en 2011, ton premier single « Yes » en 2012, maintenant ton album « Apple Bonkers » en 2014. Est-ce que tu avances « doucement » parce que tu es timide, parce que tu as peur ou parce que tu es tellement lié aux BJM ?

Tu sais, l’EP c’était juste un test, comme ça. Je l’avais enregistré moi-même à la maison. Je ne l’avais fait écouter à personne, je l’avais fait uniquement pour moi. Et je me suis même dit que je le sortirai tout seul comme un grand. À une époque dans le groupe, on expérimentait la dance music. Plus précisément l’eurodance. C’était vraiment pas mon truc et déjà j’avais envie de faire des choses qui correspondaient vraiment à ce que j’aime. C’est à ce moment-là que l’écriture a fait tilt dans ma tête… 3 tournées en arrière, en Europe, notre bassiste Collin Hegna qui avait un studio d’enregistrement à Portland m’a dit que j’étais le bienvenu si je voulais m’essayer à des trucs. Et voilà.

  • Était-il évident pour toi que tu allais sonner psyché années 60-70’s ? As-tu déjà pensé à composer des trucs radicalement différents ?

C’est mon tout premier album et il est normal que mes préférences transpirent. C’est la musique avec laquelle j’ai grandi et qui m’a toujours influencé. C’est naturel pour moi de faire de la musique qui s’inscrit dans le panthéon de ce genre musical. J’ai certes rejoint la partie un peu tard dans ma carrière, mais j’ai traversé tellement d’expériences musicales dans les années 80 et 90 qui ne m’ont jamais fait frémir que je n’ai pu que rester fidèle à un style psyché-post-punk-folky-sunshine pop-country. Et c’est vraiment chouette que ce courant soit redevenu si populaire de nos jours.

  • Tu penses que le retour du psychédélisme n’est pas simplement qu’une mode ou que les gens réalisent enfin toute la portée et la longévité de cette super musique ?

C’est marrant, les gens d’Yves Saint Laurent sortent une collection psyché. Ils étaient apparemment l’année dernière à l’Austin Psych Fest pour faire des crobards des festivaliers avec leurs grands chapeaux mous, de leurs vêtements en général. Ça prouve sans doute que ce style est pérenne et mérite d’exister. Porter ce type de fringues et écouter du Hendrix, ça reste très « in ».

  • Parle-nous un peu de la signification du titre de ton premier album « Apple Bonkers »

C’est une référence perso, en fait. Mon introduction à la musique s’est faite avec « Yellow Submarine ». Je devais avoir 5 ans. Les Beatles sont toujours mon groupe préféré, je ne m’en lasse pas.
Dans et autour de ma ville natale de San Francisco, il y a beaucoup d’industries comme Apple, Twitter, etc., où les nombreux employés habitent et où on fait grimper les prix des locations. Les moins riches, les classes moyennes sont obligées de partir, car cela devient beaucoup trop cher pour eux. Tous mes amis artistes se barrent de là. Si cela s’était passé pareillement du temps de BJM, on aurait été aussi contraints de déguerpir…

Dans le film « Yellow Submarine », il y a les Blue Meanies, ces espèces de géants bleus qui tapent sur la tête et font dégager les gens. Il y a cette analogie. Avec ce problème de ceux qui ne sont là que pour se faire du fric sans considérer l’histoire, la culture. Ils sont juste là pour se servir. Ça fout la trouille de voir comment la ville change… la grande question pour mes musiciens est de savoir s’ils partent habiter L.A. ou Portland… je suis le dernier à habiter le centre de San Francisco (rires).

  • Et sur la couverture de l’album, pourquoi apparais-tu en si petit ? C’était ta volonté ?

Joel Gion - Apple Bonkers

Ouais, tu sais, avec ma réputation de mec un peu bizarre et imprévisible, et alors que le projet est très sérieux, je ne voulais pas faire monsieur je me la pète devant l’objectif : « Ayé, regardez-moi ! ». On a fait des repérages d’immeubles sympas avec un pote photographe, des endroits d’ailleurs où les gens pourraient habiter… cela nous ramène à la signification du nom de l’album…

  • Est-ce que tu pourrais nous dire ce que tu aurais fait de ta vie si tu n’avais pas été Mr. Tambourine Man ?

J’aurais certainement bossé dans un magasin de disques. La musique est ma vie. Elle est dans mon sang. Je la vis dès le matin quand je me lève, quand je m’habille.

  • Selon Alex, leader des Black Angels (et initiateur de l’Austin Psych Fest et de Levitation), c’est sur l’album « Revolver » de ton groupe préféré que l’on peut entendre la première chanson psyché…

Donovan a fait « Sunshine Superman » en 1966, un disque qu’il avait enregistré avant « Revolver », mais dont la sortie fut retardée. Un disque précurseur à « Revolver », vraiment très psychédélique ! Un de mes albums préférés.

  • Et si tu devais te barrer sur une île déserte avec un seul CD ?

Justement, ce serait « Revolver ». Un album parfait. Les disques suivants sont très bien aussi, parfois ils sonnent un peu comme des projets solos. C’est pas pareil, on ne sent pas toujours qu’ils s’amusent totalement tous ensemble. « Revolver » apportera toujours cette fraîcheur à ma vie.


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans