[LP] Einar Stray Orchestra – Politricks

Le torse bombé de pulsions délicates, la troupe d’Einar Stray Orchestra souffle sur la mélancolie transie de ses semblables. Magnifique chaleur nordique.

Einar Stray Orchestra - Politricks

3 ans plus tôt, dans les sillages frileux du Grand Nord, les origamis de « Chiaroscuro » présentaient toute une ossature orchestrale qui respirait à plein nez l’air des fjords déchirés de la Norvège.
Tout comme le blond effilé Moddi qui lance sa petite voix réfrigérée dans ses tambours timides et son piano à vent, le musicien Einar Stray (sans le « Orchestra » à l’époque) parvient à insuffler aux journaux locaux que la mélancolie élogieuse et la sérénité presque malsaine du continent ne sont pas prêtes à rendre l’âme.

En parlant d’âme, voici que celle de ces Norvégiens se fait un peu plus racleuse, agitée et enjouée. Elle garde sa nature de fond, légère et mélodieuse, mais son esprit hante désormais l’indie pop européenne pour peut-être un jour la conquérir. C’est bientôt fait. Dream pop, melo pop, team pop ? Il n’est pas facile de nommer, ni de décrire une transformation, si belle et enjouée soit-elle.

L’histoire de ce quintet commence en 2008 quand Einar Stray rencontre Moddi (tiens donc !), un musicien du Nord de la Norvège.
Ensemble, ils sortent un vinyl et jouent dans des festivals comme Slottsfjell et Træna. Einar Stray accompagne Moddi au clavier dans ses enregistrements et sa tournée.

C’est dans cet élan d’émerveillement qu’Einar prend de l’ampleur en incluant en 2010 Lars aux percussions, Ofelia au violoncelle, Simen à la basse et Åsa au violon. Après avoir été confondu d’être un projet solo durant des années, la transition se fait en 2014 sous le collectif Einar Stray Orchestra, et sous de ballantes croyances et vulnérables frustrations, « Politricks » voit le jour.

Sous ses airs d’enjôleur romantique, l’album est un règlement de compte entre les héros de l’enfance et ceux du monde adulte. Il est plus sombre qu’il n’y parait. Néanmoins, son côté pop limite la farandole de tristesses que peut laisser entrevoir son prédécesseur « Chiaroscuro ».

Sans faute de goût, « Politricks » traduit une forte maturité, celle de la prise de risque. En empruntant le rythme barbouillé de Sufjan Stevens et les rafistolages orchestraux de Mum, cet album apporte de surprenantes colorations (« Thrasymachus »), de tendres chuchotements patriotiques (« For The Country ») qui laisseraient Bjork sur la paille, des moments de pop électrique et mélodieuse (« Politricks », « Montreal ») et une qualité orchestrée par les racines de leur début (« Qualia »).

L’ensemble est généreux, constant et magnifiquement progressif. Des crescendos rock, des vols de guitares électriques, des pianos bipolaires, tout est produit de fil en aiguille sans perdre, ne serait-ce qu’une seule seconde, sa ligne directrice : l’audace de l’élégance.
C’est épais, apaisant et rigide, à l’image de leur pays, de leur culture et de leur cœur de viking.

crédit : Simon Skreddernes
crédit : Simon Skreddernes

« Politricks » d’Einar Stray Orchestra, sortie le 12 septembre 2014 chez Sinnbus.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante