[EP] Feu! Chatterton – EP

Intense expérience intemporelle, le 1er EP de Feu! Chatterton bouleverse nos habitudes musicales.

Feu! Chatterton - EP

Ce qui saisit en premier lieu, c’est le phrasé d’Arthur qui balance en français des compilations de cadavres exquis rangées entre des déflagrations rock et des beats électriques. On croirait entendre une sorte de vieux français alors qu’il s’agit plutôt d’un jeu d’acteur, d’une interprétation ingénieuse qui donne encore plus de souffle et de mystère aux pérégrinations mentales proposées par les cinq musiciens parisiens. Un lyrisme poignant qui transpire la fureur et la rage de vivre. Ces post-punks surréalistes touchent aussi à la new wave et nous parlent d’amour dans des contextes rétro. Héritiers de Bashung, Gainsbourg et Daniel Darc, le quintet mixe tout pour ne créer que le temps du présent.

L’EP commence sur un fait-divers avec « Côte Concorde » où Arthur nous plante le décor. Nous sommes en Italie, sur la côte toscane où « un homme amusé depuis la dune voit le ferry mourir ». Il pleut « des cordes » à torrent, « faut-il s’y tenir ou s’y pendre ? » hurle le chanteur. Le récit omniscient de la tragédie du Costa Concordia est relaté ici avec les mêmes couplets répétés avec acharnement.

Acte II, et nous voilà maintenant dans les provinces andalouses avec le tube « La Malinche » (prononcé « malineché ») en référence à cette figure très controversée de la Conquête Espagnole, symbole de la traitrise, de la victime consentante, ayant eu historiquement une romance avec le conquistador Hernan Cortés. Sur une spirale électronique qui prend possession du corps de celui qui l’écoute, « La Malinche » est avant tout la chronique d’un homme dévoré par la jalousie sous une chaleur suffocante. Le titre le plus jouissif et obsessionnel du répertoire de Feu! Chatterton.

« À l’Aube » interpelle sur la jeunesse. Cette jeunesse qui part à l’autre bout du monde et qui pense quitter les « chimères » occidentales en sortant de l’avion. Un panégyrique sous forme de slam donné à un camarade, un frère qui n’est même pas mort, juste parti « dans les champs de bananes d’Océanie » pour changer de vie. Une chanson de rupture, une chanson d’exode.

Sur la version vinyle, le court interlude « Sex Appeal »nous permet de faire une pause avant la fin, entre deux univers. Sur un tapis de velours, Arthur partage des élucubrations malines autour de calembours bien trouvés : « J’ai un sexe à piles LR6, la vie est dure à celle qui s’y refuse » ou encore « des animal(e)s câlines ». Chargé à bloc !

Dans une ambiance new-wave sombre et pénétrante, « L’Heure Dense » nous fait tourner en bourrique au sujet d’une femme mystérieuse qui cache de lourds secrets et qui se trouve comparée à la nuit. Le morceau traduit une sorte de déambulation nocturne embrumée par des vapeurs d’on ne sait quelle drogue. La certaine inintelligibilité des mots est une invitation à réécouter les pistes de cet EP à loisir pour tout décortiquer et ainsi mieux en saisir les subtilités.

crédit : Richard Schroeder
crédit : Richard Schroeder

Élu Meilleur Espoir des Bars en Trans en 2013, faisant suite à des prestations remarquables aux Francofolies et à Rock en Seine, l’incandescent Feu! Chatterton n’est pas prêt de s’éteindre. Salvador Dali les aurait adorés. Scotchant.

« EP » de Feu! Chatterton, sortie le 8 septembre 2014.


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Yann Puron

Découvreur musical avide d'émotions fortes aussi bien sur disques qu'en concerts