[LP] FKA twigs – LP1

Inconditionnel, cohésif et radical, l’album de FKA twigs est un brûloir d’effets conventionnels, où la science-fiction embrasse à outrance le fantastique.

FKA Twigs - LP1

Elle a 26 ans et toutes ses dents. Il lui suffit de 26 brindilles pour construire cet édifice. Juste un cerveau, qu’un seul, pour produire cet univers hermétique et aérien. Une armée de 10 titres s’abat au milieu de la saison estivale, faisant écho aux orages magnétiques de ces derniers jours. La poupée FKA twigs nous arrive avec son premier album comme 10 cheveux sur la soupe. Logiquement intitulé LP1, ce testament de tac-tac martyrisé et de métronome désorienté permet des jouissances que le trip-hop n’a pas libéré depuis bien longtemps. Qu’elle doit tout ou en partie au pilier Tricky, cette princesse ensorceleuse devenue reine est en train de bâtir son royaume, sous l’adoration de ses fan(s)tassins déjà présents.

Producteur, compositeur et chanteur, cet enfant timide du Gloucestershire rural a couru plus vite que son ombre. Tout en étudiant la dance contemporaine au Croydon College de Londres, elle a rejoint des clubs de jeunes artistes de ragga et de bashment avant de s’avouer qu’elle avait aussi un réel talent pour la musique : « Les jeunes du club ont commencé à m’encourager à avoir mes propres séances studio et à écrire ma propre musique. », poussé par les élans de détermination de ses parents : « Ma mère était assez excentrique et anticonformiste. Elle m’a toujours dit de ne pas avoir une vie normale, que je ne voulais pas d’une vie normale. Puis j’ai déménagé à Londres et j’ai vécu dans tout ce qu’il y avait de plus normal. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’elle avait raison. » FKA twigs attache une grande importance à l’esthétique du détail, tant physique que musical. Son style excentrique et futuriste est à l’image de sa musique, novateur et sidérant.

Bien qu’il en ait l’allure, on ne pourra pas parler d’expérimentation pure, puisque LP1 s’habitue rapidement à nos oreilles. Pas la peine de l’apprivoiser, il est déjà bien domestiqué. La cause : une production intelligente et efficace. Il sera étonnant de constater comment le son se désarticule et s’étire aussi bien qu’il se structure. Le rythme s’accélère, ralentit dans la seconde qui suit, détonne et s’étend dans un nombre impensable de tics et tacs, mais garde un ensemble lisible et cohérent. Avec la plus grande objectivité (peut-être un peu limitée), LP1 sera apprécié par beaucoup, du plus fervent amateur de musique hip-hop au plus dopé à l’électro. Voici l’axe originel du genre ; le trip-hop est magique et le titre « Video Girl » peut ainsi servir de charnière. Pour les autres, on retrouve l’électro médiéval de Grimes dans « Preface » et « Closer », de la magie noire dans « Two Weeks », des légères touches de ragga dans « Hours », du lyrisme dans « Numbers » et les déboires d’un jeu de billes dans « Pendulum ».

FKA Twigs

Charmeuse malgré elle, l’étrange FKA twigs dégage du rêve à outrance. Qu’elles soient venimeuses ou bénies, ses chimères auront le même effet : celui de rester gravées dans notre boite crânienne, en attendant qu’une autre tornade sonore vienne nettoyer tout ce remue-ménage.

« LP1 » de FKA twigs, sortie le 11 août 2014 chez Young Turks.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante