Drôle de sensation à l’écoute de « Total Strife Forever », premier album de l’Anglais William Doyle alias East India Youth. On est perdu, troublé, attaqué, saisi et désorienté.
Coincé entre de très longues nappes vaporeuses et profuses constituées de bruit, de souffle et autres machineries synthétisées, au milieu d’une violence mentale et percussive, East India Youth protège ses trésors.
Comme si la première précaution du jeune londonien était de préserver ses précieuses trouvailles de la curiosité du plus grand nombre. Comme si l’écoute de son premier album présupposait de chaque auditeur qu’il accepte de franchir d’innombrables sas avant d’accéder à une récompense tant attendue, et enfin méritée.
Comme si l’on devait d’une certaine manière souffrir d’une intenable tension pour mieux s’approcher de la vision illuminée du jeune musicien de 22 ans.
En semant la confusion dans une écoute partagée entre techno minimale (Hinterland), synth pop bruitiste (Glitter Recession), ambiant (Midnight Koto) et piano cathédral (Song for a Granunal Piano), East India Youth procure cette sensation d’avancer sur le pont d’un navire en pleine tempête, balancé par la marée et mis à mal par les vents contraires.
On rejoint alors notre cabine pour s’isoler quelques minutes avec les rares et précieuses révélations de cet album : le lyrisme choral de « Dripping Down », la synth pop épique de « Heaven How Long » à l’ascension fulgurante et la pop alternative de « Looking For Someone » forte d’harmonies vocales à la Alt-J. Si peu de soulagements pourtant.
À force de jouer l’esthète, William Doyle pratique un jeu risqué, celui de perdre l’auditeur non averti, celui qui n’osera pas franchir les barbelés pour risquer de se perdre à son tour dans une écoute qui donne le tournis, avant de partager ses moments d’apaisement.
« Total Strife Forever » de East India Youth est disponible depuis le 13 janvier 2014 chez Stolen Recordings / PIAS.
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