[LP] James Vincent McMorrow – Post Tropical

Un troisième tropique s’ajoute aux deux lignes théoriques du globe. « Post Tropical », nouvel album de James Vincent McMorrow est la symétrie de tout chef d’œuvre brûlant d’intensité.

James Vincent McMorrow - Post Tropical

L’Après a la dent dure. Il dépasse et transforme un état, une action heureuse ou malheureuse, un sentiment forcé. Il devance la vie, quelquefois l’amour, et la mort pour les plus superstitieux. Son latin « Post » est plus élégant, se révèle pacifiste, plus doux pour se le prendre dans la face. Le préfixe est ambivalent. Il joue la volte-face, séduit par la mélancolie de sa fin et par la gaieté de son début. L’irlandais James Vincent McMorrow se sert de cette balance manichéenne pour créer son incroyable deuxième album. Post Tropical est dur à décrire. Il demande de l’engagement et de l’attention. Il t’emporte vers des profondeurs cachées et réveille subitement des émotions dès lors insoupçonnées. On croyait McMorrow capable du meilleur, mais jamais à ce point.

C’est à moins d’un kilomètre de la frontière mexicaine, dans une exploitation agricole de noix de pécan, que l’album est né – des sons et des idées collectés dans des chambres où les basses fréquences du passage ferroviaire faisaient vibrer le studio. Ces vibrations ne sont pas le fait du hasard. Post Tropical est troublant. Son articulation n’a rien à voir avec celle du premier album, une volonté de James plus ou moins lucide de se détacher de toute stigmatisation.

« Je suis si fier de cet album, mais je n’ai jamais eu envie d’être un mec avec une guitare. Vous jouez ces chansons du mieux que vous pouvez, et tout à coup vous êtes un musicien folk. La texture de cet opus est complètement différente. En fait, c’est plus proche de ce que j’écoute ».

De ce fait, l’effarement montre son nez à chaque minute que parcourt l’album. La propreté sauvage des chemises à carreaux de « Early In The Morning » n’engageait en rien l’exotisme tropical du second opus. La douce complexité des morceaux ne discrédite pas le classicisme folk de son début. Bien au contraire, elle renforce la maitrise et le génie d’un cerveau en ébullition qui s’aventure, la tête haute, en terres tièdes et moites.

De nouvelles textures sont consciemment explorées, tout est tanné et écartelé. L’évolution est immédiate quand l’album s’ouvre sur « Cavalier »- une ballade slow-jam de vagues laiteuses et sensuelles, claquements de doigts, tranquillement agités sous une cascade d’étincelles qui s’amplifie avec « The Lakes », conte surréaliste de chœurs serti de fleurs odorantes. Notre flux sanguin est pulsé par les battements de « Red Dust » et est apaisé par le piano volant de « Look Out » et de « Glacier ». Une richesse inépuisable, une mine d’or pour nos sens, une nourriture complète et équilibrée. Débordant d’amour, on tombe ivre dans le falsetto enivrant de McMorrow.

Huit mois de construction post tropicales, et on engloutit la razzia en quelques minutes à peine, heureusement réutilisables. Un album écrit, produit et joué virtuellement par McMorrow lui-même. Ses muses, reconverties en vahinés, nous offrent leur plus beau climat. Post Tropical est un divin paradoxe, aux frontières de ce qui n’a jamais été fait.

« C’est tellement épuisant d’essayer de suivre un style de musique qui apparait en une semaine, et qui disparait la suivante. Pour moi, cet album évoque un style dont on n’aura pas la moindre idée de ce à quoi il ressemble ».

Le palmier, l’ours polaire et le flamand rose de la pochette nous renvoient l’ambivalence brumeuse du chef d’œuvre en filigrane. Pendant que le soleil coupe des rubans dans le ciel, on s’éloigne médusé dans l’horizon sanguin du soir, salué par les vahinés qui longent la banquise. Et on sent le souffle de McMorrow qui embaume l’air autour de nous.

James Vincent McMorrow

« Post Tropical » de James Vincent McMorrow sortie le 13 janvier 2014 chez Believe Recordings.


Retrouvez James Vincent McMorrow sur :
Site officielFacebookSoundcloud

Photo of author

Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante