La parcimonie. En utilisant le minimum d’éléments élémentaires, mais étoffant superbement la gracieuse beauté des images de « Girl », Valentin Hadjadj fait de cette bande originale une pièce intime où diverses cordes frottées s’amusent d’être naïves et élégantes à la fois. Tout jeune mais non moins grand, le compositeur souffle et soulève un ensemble de thèmes doux et gracieux qui jaugent la transformation physique et psychique de Lara.
À l’orée d’un monde postmoderne où le désenchantement fait loi, « Girl » nous présente délicatement son propos : la désillusion de Lara d’être née garçon, d’être dans le mauvais corps ou plus exactement née avec le mauvais sexe. La caméra de Lukas Dhont suit alors l’adolescente dans sa quête absolue d’identité et de corps retrouvé. Sans jamais lâcher une bribe de ses états d’âme, eux-mêmes engoncés dans la froideur lumineuse de la puberté, le jeune réalisateur belge réussit le pari de ne jamais laisser apparaître aucun conflit ni jugement. Le parcours de Lara se fait dans un climat des plus sain et propice qui soit à l’accompagnement : psychologue bienveillant, médecin brillant, école de danse prestigieuse et père dévoué et aimant. Le seul obstacle qu’elle rencontre n’est finalement qu’elle-même. Nous plongeons alors en son for intérieur, dans ce troublant et déchirant combat qui prend crescendo son intensité au rythme de la parcimonie musicale que nous offre Valentin Hadjadj, jusqu’au terrible instant de débordement.
« On voulait quelque chose de doux – une musique qui accompagne le personnage de Lara et qui n’exprime pas beaucoup ses sentiments. On voulait que la musique soit la clé pour rentrer dans ses émotions. On avait peur que Lara soit un peu trop froide, on voulait que la musique nous aide à être en empathie avec ce personnage. » De ce fait, la bande-son de Hadjadj gagne en lyrisme au gré de la transformation de Lara, virevolte dans le classicisme et se fait plus analogue dans les moments contemplatifs. Ces écarts-là sont merveilleux : ils requièrent sérénité à l’écoute et force à l’écran, l’un dans l’autre, ensemble, comme l’écrin et son or. Ces retours dans les nuances, ces bourdonnements électroniques, ces cordes stridentes sont d’autant de plus-values minimalistes qui attisent l’état pantois que procure l’œuvre musicale et filmique. En dire plus ne ferait qu’enfreindre l’humilité qui s’en dégage.
« Girl (Themes & Variations) » de Valentin Hadjadj est disponible depuis le 12 octobre 2018 chez Deutsche Grammophon.