[LP] Tiny Leaves – Notes On Belonging

Dense dans l’autarcie, dans les cycles d’enchevêtrements sonores, de cordes et de piano, de guitares et d’étirements analogiques. Outrageusement dense pour enfin éclater de tout son fort. Fulminer pour mieux régner, entre de l’Angleterre et le Pays de Galles, sous couvert de mystères mélancoliques et de joies incontrôlées que Joel Nathaniel Pike aime développer dans sa bicoque musicale. Depuis trois albums maintenant, sous le nom de Tiny Leaves, le compositeur britannique compose une musique d’une beauté fulgurante, florissante et majestueusement éclatante dans le monde quelque peu terne du modern classical. Pour son troisième essai, toujours plus abouti, il confirme avec « Notes On Belonging » toutes ses qualités de divin casanier, aux confins d’une naturalité musicale sans autre pareille, puissante et douce de frissons.

À l’origine du projet, Pike déclare : « « Notes On Belonging » est l’aboutissement de plus d’un an d’exploration de paysages musicaux inspirés du terme « cynefin ». Le mot qui n’a pas d’équivalent anglais, signifie l’environnement dans lequel vous vivez, auquel vous êtes naturellement acclimaté ; aussi dans d’autres traductions, il décrit le sentiment d’appartenance ou même l’idée de languir d’être chez soi. L’ensemble du projet, du début à la fin, est ancré dans un coin rural du Shropshire pour mieux exploiter cette idée d’appartenance. Les musiciens sont locaux de cette région et la musique a été composée et enregistrée ici. J’ai aussi voulu faire un projet avec seulement quatre pistes pour me mettre d’écrire des morceaux plus longs qui se rassemblent pour former un ensemble global de musique, ayant apprécié cette idée dans des albums de post-rock et de musique classiques ».

L’immersion ne peut qu’être intense. Ce cycle en quatre temps commence avec « Broad Places » qui explore l’idée d’ascension vers un paysage ouvert vers un paysage ouvert, à la fois métaphoriquement et géographiquement, traduisant l’exaltation et la nostalgie. « If We Play » conduit l’énergie d’un échange d’idées mutuel et ludique, sans instruments dominants dans la première partie, mais qui se réaffirment ensuite pour une synthèse libérée et délicate. Pour le troisième morceau « Found Song », Pike déclare : « Ce morceau a été inspiré par un rare chant de Noël qui me trotte dans la tête depuis longtemps et dont la mélodie ondulante m’a fait une rare impression (« A Spotless Rose » de Tavener) et a donné le ton à la mélodie de base jouée au violon. Il a une énergie qui se construit et revient à mon son de guitare préféré, qui devient en quelque sorte la personne ou l’endroit « trouvé » (le « found » du titre, NDLR) ». Enfin, l’accalmie de « Cynefin » tempère et clôt le disque : « Cette piste est l’endroit où je trouve de l’espace et du sens sous la forme d’une répétition de trois notes. Elle explore la notion d’appartenance à un lieu, physiquement et spirituellement, et le sens du voyage vers un lieu appelé chez soi. C’est à la fois teinté de joie et de désir, d’être presque parvenus mais pas encore tout à fait là ».

En se rapprochant de ses qualités autarciques, le sentiment d’écoute de l’album confère effectivement à un effet d’allégeance immédiate, se transformant peu à peu en une nostalgie bienveillante et réparatrice. Pike a le don, comme il nous le démontrait avec « A Good Land, An Excellent Land » et « A Certain Tide » – ses deux précédents albums, d’apprivoiser un espace par un autre. Il transpose son espace de vie sur son espace musical, naturellement. Mais là où il est plus fort, c’est qu’il nous l’offre sans mesure, sans barrière, pour se l’approprier à notre tour. Nous nous retrouvons plus chez nous, figés dans nos souvenirs par l’appui d’arrangements denses et globaux, sans pause ni calme, d’une sérénité à couper le souffle.

Avec « Notes On Belonging », que nous pouvons traduire par « notes sur l’appartenance », les obsessions de Pike atteignent plus que jamais leur paroxysme, d’autant plus belles qu’elles sont servies sur un plateau lumineux, une aurore dorée et automnale arrivée au bon moment. C’est toujours le bon moment avec lui, car il préconise que nous nous recentrions en des lieux certains, des moments enfuis et effacés, des mémoires douces et casanières. C’est le mot : casanière. Musique casanière. Musique d’automne et d’hiver. Musique qui réconforte, chaudement guidée par nos racines, tandis que nos yeux brillent de mille frissons.

« Notes On Belonging » de Tiny Leaves est disponible depuis le 27 octobre 2017 chez Pegdoll.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante