[LP] The Libertines – Anthems For Doomed Youth

Le rock compte de nombreux groupes mythiques qui ont forgé leur légende dans des histoires de débauches de drogue ou de violence. Toutes ces histoires étaient, sans l’omniprésence d’internet, recouvertes d’un voile de mystère. Mais, à notre époque de l’information immédiate et totale, les frasques de The Libertines, cette suite de faits divers et d’anecdotes sordides, donnaient une impression glauque et triste plutôt que la sensation de vivre un glorieux chapitre de l’Histoire destroy du rock’n’roll. Loin de se muer en quelque chose de fascinant, l’aura du groupe et de ses membres en est ressortie fortement endommagée, et personne n’aurait pu être assez fou pour parier sur un retour gagnant.

The Libertines - Anthems For Doomed Youth

On avait donc tiré une croix sur The Libertines, et les doutes concernant la réussite artistique d’une reformation étaient forcément légitimes. Le concert de Rock En Seine aura pourtant suffi à remettre les points sur les i. Déjà, la bonne nouvelle se trouve dans l’absence apparente de cynisme de l’opération. On sentait une bande de potes réellement heureux d’être là, avec la volonté de redevenir un vrai groupe et de refaire de la musique ensemble. Une bonne nouvelle, car l’enchaînement de leurs différents projets (une multitude d’albums avec de nombreux musiciens sous plusieurs noms différents) n’avait su que, par éclairs, capturer à nouveau la magie de leur songwriting des débuts.

« Anthems For Doomed Youth » est donc leur troisième album, onze ans (!) après le précédent.
« Gunga Din » en est le premier single, et c’est une incursion vers le côté direct, avec son refrain guitares au vent, qui a longtemps été la marque de fabrique des Anglais. Il y en a d’autres dans cet album (l’emballant « Glasgow Coma Scale Blues »), mais la plupart sont moins enlevées. Tous ces morceaux portent néanmoins cette patte Libertines facilement reconnaissable. Les chansons sont excitantes, comme la fondante « Heart Of The Matter », mais une certaine sagesse a remplacé l’urgence.
Le tout est plus posé, moins gouailleur ou frondeur. Ça chante plus que ça hurle, ça joue juste, plus que ça n’agresse les guitares. Ainsi, on a même le droit à deux magnifiques ballades : « You’re my Waterloo » et le poignant « Dead for Love ».
Des Libertines plus matures, donc ; probablement pas encore débarrassés de tous leurs démons, mais capables d’un excellent disque sur toute la longueur.

Car ces morceaux sont tout sauf anodins. Il y a clairement une alchimie entre les deux comparses. Carl et Pete, c’est le savoir-faire de l’artisan combiné aux étincelles d’un feu follet. C’est l’endurance d’un coureur de fond alliée à l’explosivité d’un sprinteur. Un tout qui est miraculeusement supérieur à la somme de ses parties. Les chansons surprennent toutes, parce qu’elles visent justes. Elles provoquent cette sensation de bien-être propre à la musique des Anglais.
Comme par exemple« Iceman »,  douceur acoustique qui tourne au vitriol jusqu’à son finish passionnant.
Qu’on se le dise : The Libertines est de retour, aussi fort qu’avant. Pour de bon ? Ça reste à voir bien sûr ; mais, pour le moment, le sublime a remplacé le sordide, et c’est tout ce qui compte.

The Libertines

« Anthems For Doomed Youth » de The Libertines est disponible depuis le 11 septembre 2015 chez Mercury/Universal Music.


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Sébastien Weber

chroniqueur attaché aux lives comme aux disques d'exception